Le Roman
Le Roman épistolaire
Historique :
- Cette forme littéraire émerge en 1669 avec Lettres portugaises de Guilleragues.
- Au XVIII° siècle, on note en Angleterre Richardson avec Clarisse Harlowe, en Allemagne Goethe et Les souffrances du jeune Werther, tandis qu’en France s’impose Montesquieu (Lettres Persanes) puis à la fin du siècle Rousseau (La nouvelle Héloïse) et Laclos (Les Liaisons dangereuses). C’est son apogée.
- Au XIX° siècle, Balzac poursuit perpétue l’utilisation de cette forme (Mémoires de deux jeunes mariées et Le lys dans la vallée)
- Au XX° siècle, le roman épistolaire passe de mode mais quelques auteurs semblent résister comme Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat) et Etienne Vilain (Un automne sans alcool, ou les lettres deviennent des mails).
Intérêts de cette forme :
- L’effet du réel (document authentifiant le récit) et l’effet de recul (renforce par la distance entre le récit et la narration de l’aspect critique).
- La double énonciation permet à l’auteur d’adresser son message aux lecteurs en ayant des intermédiaires (les protagonistes) et l’omniscience permet l’accès à l’ensemble des lettres (tandis que les personnages n’en ont qu’une partie).
- Autres effets : Roman monodique (une voix) permet de rentrer dans l’intimité) tandis que le roman polyphonique fait combiner les styles et les points de vue.
Le personnage du picaro
Le picaro est un terme d’origine espagnol signifiant aventurier et désignant un antihéros jeune, de basse naissance cherchant à faire son chemin dans le monde utilisant la ruse face aux expériences et contraintes matérielles qu’il rencontre.
Souvent écrit à la première personne, le roman picaresque est le récit des aventures de ce picaro, suivant de ce fait l’itinéraire du héros-narrateur. Souvent seul, son histoire traduit une réflexion sur la place de l’individu dans la société et à sa liberté face aux déterminismes sociaux.
Lesage (Gil Blas de Santillane où le héros est d’origine bourgeoise) et Diderot (Jacques le Fataliste et son maître) font la fortune de cette forme au XVIII° siècle, usant de la parodie et du questionnement philosophique.
Au XIX° siècle, il évoluera vers le roman d’apprentissage.
Le personnage du libertin
Le libertinage est un mouvement intellectuel né au XVII° siècle qui se définit par une attitude critique face aux dogmes religieux, une indépendance d’esprit (Théophile de Viau et Cyrano de Bergerac) et une recherche de liberté et de plaisir (Dom Juan de Molière concilie les deux facettes).
Dans le roman, le libertin est un aristocrate arrogant qui méprise les lois morales et sociales, déifie le plaisir prenant appuie sur la décadence de la noblesse et une relative libération des mœurs suite à la mort de Louis XIV (1715). Il représente la société dite d’Ancien Régime.
Au XVIII° siècle, Meilcour et Versac (Les Egarements du cœur et de l’esprit de Crébillon), Valmont et La Merteuil (Les liaisons dangereuses) et Sade qui ira dans l’extrême (1740-1814) sont des auteurs qui font du libertin un personnage récurant du roman.
Les personnages des Rougon-Macquart
Les Rougon-Macquart, sous titré Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire, est l’œuvre de la vie d’Emile Zola. Imaginé en 1869, il se compose de 20 romans, où l’auteur narre l’histoire d’une famille scindé en deux branches : l’une légitime (issu du premier mariage d’Adélaïde Fouque avec Pierre Rougon, un agriculteur robuste qui finira par mourir) et une autre illégitime (née du remariage après veuvage d’Adélaïde Fouque avec Macquart, un contrebandier violent et impulsif).
Dans son œuvre naturaliste, Zola incorpore la thèse de l’hérédité, donnant une conception scientifique de la personne et élaborant une transmission de la névrose de l’aïeule commune (A. Fouque) aux autres générations.
Se documentant et allant sur le terrain, le romancier va entreprendre de peindre avec un souci du détail presque maladif, l’époque du Second Empire (1852-1870). Monde de la spéculation immobilière, de l’armée, de la paysannerie, des ouvriers, de la petite bourgeoisie, du clergé, ces romans font office d’études dans lesquels les personnages sont pris entre hérédité et influences sociales. Le monde zolien évolue suivant les générations, les influences historiques et idéologiques. Zola pend à travers eux, sa vision d’une société future.
Le Personnage en question au XX° siècle
Le Nouveau roman s’affirme entre 1950 et 1970 par les effets de la psychanalyse, de l’évolution de la société moderne, et d’un changement de la conception du monde et de l’humanité suite à la Seconde guerre mondiale.
Cette remise en question est initiée par Proust, Kafka, Woolf, Joyce et Faulkner. On regroupe aussi Sarraute, Robbe-Grillet, Duras, Simon et Butor.
Les personnages de romans deviennent des figures indécises, à la psychologie complexe. Virginia Woolf et James Joyce parlent d’un monologue intérieur pour rendre compte de la conscience des personnages tandis que Nathalie Sarraute s’intéresse aux comportements stéréotypés et aux lieux communs de la conversation.
On note une perte d’identité des personnages qui n’ont parfois plus de nom, une initiale (« k » chez Franz Kafka) ou un pronom personnel (« vous » chez Michel Butor). Le roman privilégie des êtres socialement indéterminés, marginaux (Camus, l’Etranger), ayant des difficultés à s’exprimer en société.
Les origines du roman
Au Moyen-âge, le mot « roman » désigne, par opposition au latin, la langue vulgaire, celle parlée. Dans le prologue du Chevalier à la charrette (1176-1181), Chrétien de Troyes affirme « entreprendre un roman », donnant sa terminologie à un genre où le récit repose sur la représentation de l’homme dans son devenir (comme le souligne Bakhtine en 1978).
Les premiers romans seraient issus des sociétés en mutation, notamment grecque et romaines (Ier et IIIème siècle avant J.C) qui accordent plus de place à la notion d’individu. Très vite, le roman peint le réalisme.
L’histoire du roman français émerge au XII° siècle, avec le passage de l’écriture en vers à la prose, et les écrits de chevaleries. On note alors trois matières : La France (épopées), l’Antiquité et la Bretagne (légendes Arthuriennes).
Le XIII° et XIV° siècles prolongent cette période avec de nombreuses réécritures tandis que l’essor d’une certaine bourgeoisie et l’évolution du gout de la Cour entraînent des mutations dans le romanesque : le réalisme et l’idéalisation.
Les romans de chevalerie restent des succès populaires au XVI° siècle, bien que seul Rabelais perce réellement avec sa fiction annonçant l’Humanisme. Mais le roman devient un genre mineur.
Le roman à l’âge classique
Le mépris du XVI° siècle pour le roman s’accentuera au XVII° siècle, notamment avec l’aire héroïque et sentimentale. Pour le clergé, il est impossible d’atteindre la vérité et le réel à travers la fiction et le mensonge, l’illusion romanesque détournant selon eux la réalité.
Néanmoins, entre le XVII° et le XVIII° siècles, le roman est un genre fécond, beaucoup lu et écrit, permettant aux auteurs une certaine liberté (tous les procédés d’écriture y sont possible), si bien qu’il passera au stade d’art de vivre chez nobles et bourgeois.
Sont appréciés les romans romanesques d’idéalisation (L’Astrée), accumulant héroïsme et sentimentalisme, les romans comiques (Sorel, Histoire comique de Francion, Scaron, Le roman bourgeois) plus proche du réalisme, et les romans picaresque (Cervantès, Dom Quichotte). Le classicisme impose sa sobriété face aux excès du baroque. Ainsi naissent des romans d’analyse comme La Princesse de Clèves (Mme de la Fayette).
Au XVIII°, la tendance se poursuit avec l’apparition du roman-mémoire (Manon Lescaut), du roman épistolaire et de l’antiroman (Diderot : Jacques le Fataliste).
Le triomphe du Roman au XIX° siècle
Méprisé aux XVI° et XVII° siècles, le roman connaît un véritable triomphe au XIX° siècle, dû notamment à l’émergence de la bourgeoisie. S’imposent le Réalisme avec des auteurs comme Stendhal, Balzac et Flaubert qui cherchent à peindre l’histoire et les faits sociaux actuels avec minutie, et le Naturalisme de Zola, qui pousse à l’excès le réalisme, devenant un instrument de connaissance.
Mais écrire la réalité est impossible pour beaucoup (Flaubert, Balzac ...) et peu acceptent appartenir au Réalisme. Pour Flaubert, prédomine surtout le beau style et la mélodie, celui-ci passant 7 ans à l’écriture de Madame de Bovary.
L’éclatement du roman au XX° siècle
Le roman du XX° siècle est à de nombreuses échelles, un héritage de celui du siècle précédent. A l’image de Balzac et Stendhal, Proust, Aragon et bien d’autres ont poursuivit la peinture du réel, perpétuant de ce fait le réalisme. Mauriac, Proust, Camus et Sarraute font de leurs romans, des analyses psychologiques tandis que Céline ou encore Simon rejoignent Flaubert quand à l’importance du style.
Au début du siècle, le Surréalisme récuse le roman jugé « bourgeois » tandis qu’après la Seconde guerre mondiale, le Nouveau Roman met à mal les illusions réalistes. On préfère parler alors de récits plutôt que de romans. Cependant, ces crises aboutissent paradoxalement à une révolution romanesque par laquelle le style évolue et où la progression cesse d’être linéaire pour devenir complexe. L’écriture devient plus proche de la parole, et le schéma narratif évolue.
Le personnage de roman
Le personnage n’est pas une personne, mais une représentation construite par la fiction et relevant de la conception que l’auteur fait de la personne, vision influencée par l’époque d’écriture (« personnage de papier » ; procès de Flaubert pour Madame de Bovary...). Le héros de roman incarne ainsi les valeurs de l’époque à laquelle l’auteur écrit. Il peut aussi être un type, ayant les caractéristiques d’un milieu, d’une culture ; ou un individu ayant une identité plus ou moins complexe mais évoluant. Le personnage est placé dans un schéma actantiel, mis en relation avec d’autres. Il peut alors être objet, sujet, destinateur (pousse le sujet vers une quête), destinataire (bénéficie de cette quête), opposant, adjuvant. C’est une force qui agit, il est actant.
Le personnage peut avoir une signification suivant son identité, ayant un rôle thématique (mettant l’accent sur une caractéristique), s’inscrivant dans un système hiérarchique (nombre d’apparitions...).
Narrateur et Narration
Externe, Interne ou omniscient, le narrateur est la voix du récit, celui qui transmet et qui organise l’histoire. Il fait la communication avec le narrataire et peut exposer ses sentiments, ses jugements, son savoir et sa position idéologique. Un narrateur peut varier d’un récit à l’autre. Il peut soit être proche des faits relatés, créant une dimension objective, ou loin, rendant son discours subjectif.
L’intrigue classique suit un processus de transformation allant d’une situation initiale à une situation finale. Elle peut être linéaire ou complexe (prolepses (avant) et analepses (après)). La narration peut être ultérieure, antérieure, simultanée ou intercalée (mélange de situations ultérieures et antérieures). Elle donne sa vitesse au roman qui varie suivant les scènes.