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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 16:12



Les Lumières

 

Qu’est-ce que Les Lumières ?

 

L’expression « les Lumières » désigne un courant de pensée du XVIII°siècle ainsi que les penseurs et philosophes qui s’en réclament (et ce, dans tout l’Europe). Il s’agit d’un mouvement européen qui se caractérise par la volonté nouvelle de comprendre le monde « à la lumière » de la raison. « Aie le courage de te servir de ton propre entendement » est la devise trouvée par Kant pour résumer ce mouvement.


Les Lumières s’inscrivent dans le sillage de la querelle des Anciens et des Modernes qui occupa le XVII°siècle. Ces derniers font confiance au progrès de l’esprit humain. On peut donc penser que les Lumières constituent un héritage partiel de l’Humanisme. De plus, l’avancée de la science avec notamment les travaux de Newton ainsi qu’avec l’évolution des méthodes de connaissance, introduisent une nouvelle méthode d’envisager le monde. L’éclosion des Lumières est aussi due à d’autres facteurs comme le développement des échanges et des voyages (remise en cause de l’ethnocentrisme) ainsi que l’essor économique de la bourgeoisie (contestation d’une société fondée sur la naissance et les privilèges).


L’image de la lumière est d’origine religieuse. Elle sera reprise par Descartes au XVII°siècle pour évoquer la « lumière naturelle » de la raison. Cette métaphore souligne le vœu de lutter contre les ténèbres de l’ignorance et de la superstition. Il s’agit là d’un des principaux combats de cette philosophie qui, en France, est largement laïcisé. Elle s’efforce en effet de combattre les ténèbres de la religion en dénonçant la superstition, le fanatisme et l’intolérance (affaire Calas). Les Lumières sont donc un mouvement militant qui entend faire partager ses idées au plus grand nombre, dans des café ou des salons, par le biais d’œuvres comme De l’esprit des lois de Montesquieu, Candide de Voltaire, l’Encyclopédie de Diderot et bien d’autres... L’ultime but poursuivi étant le bonheur terrestre (tentative de concilier bonheur individuel et bonheur collectif), cette recherche s’accompagne par l’acceptation par l’Homme de sa propre nature et d’une réflexion sur les malheurs. Rencontrant la censure et l’opposition de l’Eglise et des jésuites, les Lumières luttent aussi pour défendre la liberté. Le pouvoir politique a pourtant toléré dans l’ensemble cette philosophie, laissant quelques uns de leurs représentants au gouvernement (Turgot, le « parti philosophique »).


Il existe cependant une grande diversité d’opinions et d’idées au sein même des Lumières, notamment au sujet de la religion (déisme de Voltaire, religion raisonnablement pratiquée de Montesquieu, athéisme de Diderot, religion naturelle de Rousseau), de la société (Rousseau s’oppose aux progrès) et de la politique (Montesquieu prône une monarchie de type parlementaire, Rousseau et Condorcet sont favorables aux idées démocratiques, Diderot défend l’idée d’un despotisme éclairé).


Les Lumières jouent vraisemblablement un rôle clé dans le déclenchement de la Révolution française.

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 16:07



Né le 18 janvier 1689, Charles-Louis de Secondat du château de La Brède, futur baron de Montesquieu est l’un des plus éminent philosophe français des Lumières. Notamment connu pour  « De l’esprit des lois » (1748), œuvre colossale de trente tomes rédigée sur plus de vingt années, il sera ensuite reconnu comme étant le pionnier du libéralisme en politique. En 1717, trop poli pour ennuyer ses contemporains avec un traité aride, il cherche une façon plus plaisante de transmettre son aversion envers les travers de la société. S’en suit, en 1721, la publication à Amsterdam des Lettres Persanes, roman épistolaire qui, malgré le fait qu’il soit publié anonymement, ne trompera personne quand à l’identité de son auteur.

 

Le texte suivant est extrait de la lettre XCIX du roman. Il s’agit là d’un courrier envoyé par Rica à son ami Rhédi. Il y décrit avec humour les changements continuels de la mode et la superficialité occidentale.

Aussi pouvons-nous nous demander comment Montesquieu s’y prend t’il pour critiquer cet aspect de la société.

 

Nous verrons dans un premier temps l’expression des changements de modes, avant de porter notre attention sur la dimension caricaturale de cette lettre. Nous remarquons enfin la portée politique de celle-ci.

 

Cette lettre se compose de cinq paragraphes. Dans le premier, Montesquieu nous fait part de son regard sur la mode française : « Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants ». De plus, dès les premières lignes, l’idée de rapidité des changements de la mode s’exprime. En effet, on remarque une mise en relation entre deux indices temporels « ils étaient habillés cet été » et « ils le seront cet hiver ». Ceux-ci sont joint à « ont oublié » et « ignorent », verbes synonymes qui expriment la superficialité des français et la rapidité des changements. En effet, cette phrase laisse à penser qu’entre l’été et l’hiver, une multitude de modes a pu apparaître et disparaître. D’autant plus que cette phrase vient après « les caprices de la mode ».

Dans le second paragraphe, l’auteur explique qu’une mode suit une autre rapidement et de manière continuelle. Pour se faire, il utilise l’image d’une description sur « leur habillement et [...] leurs parures » où l’on note l’expression du temps avec « une mode nouvelle » et « avant que tu eusses reçu ma lettre ». De plus la forte ponctuation (virgules), qui articule la pensée de l’auteur, les articulateurs logiques (« que », « et », « comme ») et le futur hypothétique avec « viendrait » (conditionnel) et « serait changé » (futur antérieur), donne une idée de mouvement autour de la mode.

Dans le paragraphe suivant (le troisième), Montesquieu donne un nouvel exemple avec une femme qui quitte Paris pendant « six mois » et revient « antique » comme si elle était partie durant « trente ans ». Cette exagération due à l’articulateur « que » appuie l’idée de changements continuels de la mode parisienne.

Dans le quatrième paragraphe, l’auteur dépeint les différentes modes autour des coiffes et des talons tout en utilisant des connecteurs temporels comme « quelquefois », « autrefois », « souvent ». Le temps se manifeste aussi par « une révolution » (événement historique), « un temps », « dans un autre » (situation temporel indéfinie), « le lendemain », « aujourd’hui », « tout à coup » etc. qui insistent sur le changement au cours du temps. Celui-ci se remarque aussi par « cette changeante nation » et une comparaison entre les générations avec « les filles se trouvent autrement faites que leurs mères ». De plus, ce paragraphe mêle une très importante ponctuation qui donne au texte un rythme binaire (points, virgules, points-virgules, points d’interrogations, deux points...). Le ton et le rythme changeant se manifeste aussi avec la présence de nombreux « et ».

Ainsi, Montesquieu dépeint les fantaisies de la mode parisienne par le biais d’expressions, d’articulateurs logiques, d’une forte ponctuation et d’un rythme soutenu dont le but est de donner l’impression d’une mode en continuelle mutation. Mais peut-on parler d’une caricature de la vie parisienne ? C’est ce que nous verrons dans un second temps.

 

La première image ironique que nous pouvons remarquer dans cette lettre se situe à la fin du premier paragraphe avec « Ils ont oublié [...] ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver. » On remarque en effet une hyperbole avec l’emploi de « encore plus » qui, mêlé à la mise en relation de l’été et de l’hiver, accentue la caricature de la superficialité parisienne.

« Mais, surtout, on ne saurait croire combien il en coûte à un mari pour mettre sa femme à la mode ». L’aspect humoristique de cette phrase repose sur « Mais, surtout », connecteur qui laisse à penser que la suite est grave tandis que la vérité est inverse. En effet, la phrase repose sur l’argent avec « il en coûte », bien matériel qui ne justifie pas l’emploi de « surtout ».

L’exagération se manifeste aussi avec l’emploi du terme « antique » dans « Une femme qui quitte Paris [...] aussi antique que si elle s’y était oubliée trente ans. » « Antique » nous fait en effet penser à quelque chose d’extrêmement ancien, chose qui n’est pas le cas pour une femme passée de mode.

On remarque aussi l’amplification avec « le fils méconnaît le portrait de sa mère [...] de ses fantaisies ». Le fait qu’un fils ne reconnaisse pas sa mère à cause de ses vêtements paraît tellement disproportionné que l’image prête à sourire et à étonner.

« Quelques fois [...] tout à coup » Par cette image, Montesquieu se rie des coiffes, créant dans cette phrase l’idée d’une coiffure qui monte et descend au fil des événements. L’effet produit est comique.

« Il a été un temps [...] un piédestal qui les tenait en l’air ». L’humour et l’ironie se ressent à nouveau dans cette partie où l’auteur s’amuse des hauteurs de coiffures et de talons. « Une femme au milieu d’elle-même » relève de l’exagération tandis qu’on remarque une métaphore avec « un piédestal », comparaison implicite entre les talons et une construction réputée haute.

« Les architectes ont été souvent obligés de hausser [...] ces caprices » Dans cette citation, l’exagération se ressent par la présence de termes comme « obligés », « exigeaient » et « asservies ». L’auteur décrit avec humour tout ce que les caprices de la mode engendrent sur le paysage parisien.

« On voit quelquefois [...] et elles disparaissent toutes le lendemain ». Les mouches, sorte de points de beauté artificiels, sont ici peintes en « quantité prodigieuse » sur un même visage. Cette image est une nouvelle exagération. De plus, l’autre sens du mot mouche, l’insecte, nous donne l’impression de grouillement.

« Autrefois, les femmes avaient de la taille et des dents [...] pas question ». Cette phrase est une comparaison entre deux générations, entre les femmes « d’autrefois » et celles « d’aujourd’hui ». L’ironie est présente ici par le fait qu’il n’est pas question qu’aujourd’hui, les femmes aient de la taille et des dents. On s’imagine ainsi des femmes dénaturées.

« Aujourd’hui » ainsi que les verbes au présent ont une valeur de vérité générale.

Ainsi, Montesquieu nous propose une caricature des fantaisies de la mode parisienne par le biais d’exagérations, de l’ironie, de certains verbes au présent de vérité général et du comique de scène. Cependant, le dernier paragraphe interpelle le lecteur par sa différence. Celle-ci même que nous allons maintenant étudier.

 

Montesquieu décrit au cours des quatre premiers paragraphes de la lettre un sujet léger qu’est la mode parisienne. Il se met subitement, au dernier paragraphe, à s’en prendre au roi et aux français, qu’il critique ouvertement.  

On note en effet dans cette courte partie la mise en relation entre le peuple et le roi. « les français changent [...] leur roi », « le monarque [...] la nation », « le Prince [...] la Cour [...] la Ville [...] aux provinces ». On remarque ainsi plusieurs critiques.

Dans « les Français changent de mœurs suivant l’âge de leur roi », l’auteur s’en prend à Louis XIV, roi de France qui resta sur le trône de nombreuses années. Mais Montesquieu critique aussi la superficialité du peuple, expliquant que la personnalité des uns est fonction de celle du roi. Il rabaisse ensuite ce dernier au statut de « prince », du latin « princeps » et qui signifie premier citoyen. Il dévalue ainsi son rôle d’envoyé de Dieu.

On note aussi une gradation où Montesquieu explique que le roi transmet sa personnalité à la Cour (ses sujets), puis à la Ville (Paris, puisque on note l’utilisation d’une majuscule à « Ville ») puis enfin aux provinces. On peut s’imaginer que cette construction induit que la Cour représente la noblesse, la Ville évoque la bourgeoisie et les provinces symbolise le Tiers Etat. Par ce schéma, toute la société est critiquée, du roi jusqu’aux travailleurs.

La lettre s’achève sur « L’âme du souverain est un moule qui donne la forme à toutes les autres », phrase qui laisse à penser que l’auteur considère le peuple comme des marionnettes qui tiennent leurs personnalité de celle du roi.

 

Ainsi, on a vu que l’auteur caricature les fantaisies de la mode parisienne par une lettre satirique. Mais celui-ci ne s’arrête pas là, il va jusqu’à s’en prendre au roi et au peuple. En effet, la description d’un sujet léger lui permet de surprendre et de considérer efficacement ce qu’il juge superficiel.

D’autres auteurs ont critiqué le roi comme notamment Voltaire dans L’Ingénu.

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 15:59



Né le 18 janvier 1689, Charles-Louis de Secondat du château de La Brède, futur baron de Montesquieu est l’un des plus éminent philosophe français des Lumières. Notamment connu pour  « De l’esprit des lois » (1748), œuvre colossale de trente tomes rédigée sur plus de vingt années, il sera ensuite reconnu comme étant le pionnier du libéralisme en politique. En 1717, trop poli pour ennuyer ses contemporains avec un traité aride, il cherche une façon plus plaisante de transmettre son aversion envers les travers de la société. S’en suit, en 1721, la publication à Amsterdam des Lettres Persanes, roman épistolaire qui, malgré le fait qu’il soit publié anonymement, ne trompera personne quand à l’identité de son auteur.

 

Le texte suivant est extrait de la lettre XCVII du roman. Il s’agit là d’un courrier envoyé par Usbek au dervis Hassein. Il y décrit la raison humaine, science philosophique « féconde » et « pleine de miracle » qu’il oppose à l’obscurantisme de la religion orientale.

Aussi pouvons-nous nous demander comment Montesquieu s’y prend t’il pour faire l’éloge de la pensée rationnelle.

 

Nous verrons dans un premier temps la critique du religieux, avant de porter notre attention sur l’éloge de la pensée scientifique.

 

I. La pensée religieuse critiquée...

 

  • Une satire des pesanteurs de la religion

 

On remarque que Montesquieu, qui jusqu’alors employé un style occidental, utilise pour cette lettre une écriture beaucoup plus persane.

 

- « Ô toi, sage dervis, dont l’esprit curieux brille de tant de connaissances », dès la première ligne du texte, l’auteur emploie un discours très grandiloquent. Dans « Ô toi », « ô » est une apostrophe, sorte d’invocation qui montre le respect qu’éprouve Usbek pour le dervis. Ce terme accentue la tradition religieuse persane. De plus, Usbek complimente le religieux musulman par des adjectifs comme « sage » et « curieux ». Celui-ci « brille de tant de connaissances » ce qui, mit en relation avec « jusqu’au trône lumineux » ainsi que « elles n’éblouissent point par un faux respect », est une sorte de champ lexical de la lumière employé par l’auteur pour dénoncer l’obscurantisme.

- «...n’ont point atteint jusqu’au faîte de la sagesse orientale : ». Par cette négation, Montesquieu introduit la différence entre la pensée occidentale et celle des orientaux. Les « : » marquent le début d’une description.

- Dans celle-ci, on note plusieurs références au divin comme notamment : « jusqu’au trône lumineux » à Dieu ; « Paroles ineffables dont les concerts des anges retentissent » à Scène divine ; « fureur divine » à Cataclysme pour les scientifiques, souhait de Dieu pour les croyants ; « saintes merveilles » à Splendeurs divines. De plus, on remarque dans ce § une très forte ponctuation ainsi qu’un parallélisme syntaxique avec « ils n’ont point » et « ils n’ont ni » ce qui donne un effet d’accentuation et d’énumération. Celui-ci s’achève avec la conjonction de coordination « mais », articulateur logique d’opposition. Il s’agit là pour l’auteur, d’opposer le religieux et les « saintes merveilles ».

- « Que les législateurs ordinaires [...] dans l’immensité des espaces » Dans ce 4ème § , Montesquieu critique avec véhémence l’obscurantisme religieux. En effet, « législateurs ordinaires » à prophètes ; « Ceux-ci ne nous parlent que... » à Accusation. L’auteur accuse les théologiens de masquer les questions que les peuples peuvent se poser par des lois. La véhémence de l’attaque se note ici par l’utilisation d’une exclamation.

- « Et que crois-tu, homme divin, que soient ces lois ? » Alors que Montesquieu fait prendre à Usbek position contre le dervis, on note que celui-ci le nomme « homme divin ». Dans le contexte, on pourrait penser que cette expression peut être ironique. Cependant, elle fait toutefois partie du style persan.

- « Tu t’imagines peut-être qu’entrant dans le conseil de l’Eternel tu vas être étonné par la sublimité des mystères » à Montesquieu devance le raisonnement du dervis par le biais d’une hypothèse introduite avec « peut être ». De plus, « le conseil de l’Eternel » est une marque du style asiatique où l’Eternel est Dieu.

- « Tu renonces par avance à comprendre, tu ne te proposes que d’admirer » à Prise de position.

- « Voilà, sublime dervis [...] à perte de vue » à L’appellation « sublime dervis » alors que Montesquieu s’en est explicitement pris aux idées religieuses du personnage.

- « La connaissance de cinq ou six [...] de nos saints prophètes ». Dans ce dernier §, Montesquieu résume sa critique de la religion. Cependant, « presque autant » et « nos saints prophètes » atténuent la sévérité des propos.

 

Ainsi nous avons pu voir que Montesquieu critique la religion en général en se masquant derrière la critique des rites musulmans. Mais quel est son point de vue sur la science. C’est ce que nous analyserons dans un second temps.

 

 

 II. ...qui s’oppose à l’éloge de la raison scientifique

 

- Dans le deuxième §, on note une opposition entre le religieux et la science. « Il y a ici des philosophes qui, à la vérité, n’ont point... » s’oppose à « ils suivent dans le silence les traces de la raison humaine » grâce à la conjonction de coordination « mais ». Montesquieu cherche ainsi à montrer qu’imperméable au religieux, les philosophes occidentaux n’en sont pas pour autant attacher à la « raison humaine » ou plutôt, à la science.

- « Tu ne saurais croire jusqu’où ce guide les a conduits ». « Ce guide » qualifie la raison humaine tandis que « tu ne saurais croire » sert à introduire l’éloge de la science.

- « Ils ont débrouillé le chaos » et « ont expliqué [...] l’ordre de l’architecture divine » sont deux expressions où l’on remarque la juxtaposition des termes « débrouillé », « expliqué » avec « chaos » et « architecture divine ». Les deux premiers termes marquent le rationnel, et les deux derniers sont mit pour le divin. Par ce fait, Montesquieu explique que ce que l’on attribut au ciel peut s’expliquer logiquement.

- « Mais tu changeras bientôt de pensée [...] et ce n’est qu’après bien des réflexions qu’on en a vu toute la fécondité et toute l’étendue ». Dans ce 6ème §, Montesquieu explique que la simplicité des trouvailles scientifiques n’en font pas des fausses découvertes.

- « La première est que tout corps tend à décrire [...] approche de la ligne droite ». Dans ce 7ème §, l’auteur décrit les théories de Descartes.

- Il qualifie ensuite celles-ci de « clef de la nature », et de « principes féconds, dont on tire des conséquences à perte de vue ».

- « La connaissance de cinq ou six [...] de nos saints prophètes ». Dans ce dernier §, Montesquieu résume sa critique de la religion et son éloge de la science.

 

Ainsi, par une lettre destinée à un dervis fictif, Montesquieu critique la religion tout en se voilant derrière l’origine et le langage de ses héros. L’auteur fait alors la satire de l’obscurantisme qu’il oppose à l’éloge de la science et de la philosophie.

D’autres auteurs ont prit position contre la religion comme notamment Diderot  et sa célèbre citation extraite de Addition aux Pensées philosophique : « Egaré dans la forêt immense pendant la nuit, je n’ai plus qu’une petite lumière pour me conduire. Survient un inconnu qui me dit : Mon ami, souffle la chandelle pour mieux trouver ton chemin. Cet inconnu est un théologien. »

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 15:51



Né le 18 janvier 1689, Charles-Louis de Secondat du château de La Brède, futur baron de Montesquieu est l’un des plus éminent philosophe français des Lumières. Notamment connu pour  « De l’esprit des lois » (1748), œuvre colossale de trente tomes rédigée sur plus de vingt années, il sera ensuite reconnu comme étant le pionnier du libéralisme en politique. En 1717, trop poli pour ennuyer ses contemporains avec un traité aride, il cherche une façon plus plaisante de transmettre son aversion envers les travers de la société. S’en suit, en 1721, la publication à Amsterdam des Lettres Persanes, roman épistolaire qui, malgré le fait qu’il soit publié anonymement, ne trompera personne quand à l’identité de son auteur.

 

Le texte suivant est extrait de la lettre XXIV du roman. Il s’agit là d’un courrier envoyé par Rica à son ami Ibben. Il y décrit la vie parisienne comme le jeune persan la découvre à son arrivé dans la capitale.

Aussi pouvons-nous nous demander comment Montesquieu donne t’il une portée subversive à ce texte.

 

Nous verrons dans un premier temps la portée subversive de ce texte, avant de porter notre attention sur les moyens de la satire.

 

I. La portée subversive de cette lettre

 

Idées subversives : Idées qui vont à l’encontre de l’ordre établi.

 

  • L’embarras de Paris

 

Dès les premières lignes, Montesquieu nous dépeint « l’embarras » parisien avec :

 

- Des verbes de mouvement : « descendu », « marcher », « courent », « volent », « vais souvent à pied », « vient après moi », « me passe », « me croise »...

- Scène de rue : « Un homme vient après moi [...] m’avait pris ».

- « Il n’y a point de gens au monde qui tirent mieux partie de leur machine que les français » à Critique de la soif de vitesse des français qui se manifeste aussi par une comparaison : « les voitures lentes d’Asie [...] tomber en syncope »

- « mouvement continuel » à impression de grouillement.

- « Les maisons y sont si hautes [...] six ou sept maisons les unes sur les autres » à Montesquieu insiste sur le peuplement important.

- Hyperbole : « Ils courent, ils volent », « Je suis plus brisé que si j’avais fait dix lieux ».

- Difficulté à « Bien des affaires avant qu’on soit logé »

- Champ lexical de la foule : « peuplée », « le monde », « gens », « un homme » (et « régulièrement » ce qui donne un effet de répétition dans l’action)...

Ainsi, Montesquieu commence son texte par dénoncer l’embarras parisien.

 

  • La banalisation du roi

 

Dans ce 6ème paragraphe, Montesquieu tourne sa critique vers le roi.

- Affirmation : « Le roi de France est le plus puissant prince de l’Europe » à « prince », du latin « princeps » signifie « premier citoyen » et à pour but de banaliser le titre divin du monarque.

- « Il n’a pas de mines d’or [...] mais il a plus de richesse » à Négation permettant d’articuler une comparaison entre le roi d’Espagne qui tire ses richesses de ses ressources et Louis XIV qui « les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines. » Montesquieu critique alors et le roi de France, et l’orgueil des français.

- « des titres d’honneur à vendre » à Allusion aux « assignats », offices royaux que les sujets, dans le cas où ils faisaient de grandes choses pour leur roi, devaient eux-mêmes payer. Cependant, ce principe fonctionnait très bien. Montesquieu reproche cette fausse rémunération.

- « ses troupes se trouvaient payées, ses places, munies, et ses flottes, équipées. » à Dénonciation des nombreuses guerres que faisait le roi de France, utilisant pour cela beaucoup d’argent.

- « ce roi est un grand magicien » à Montesquieu utilise l’ironie pour comparer le roi à un illusionniste. Il dénonce ainsi les « apparences ». De plus on note un mini champ lexical de l’esprit et de la persuasion avec « esprit », « penser », persuader », croient », « dans la tête », « convaincus », « croire ». Ainsi, le roi maîtrise des apparences qui jouent un rôle d’embrigadement sur les français.

- Parallélisme syntaxique : « s’il a... » à Hypothèse

- « un morceau de papier est de l’argent » à Dénonciation de l’ampleur de la monnaie fiduciaire.

- « persuader qu’un écu en vaut deux » à Dénonciation de l’inflation et du rajout de plomb dans les pièces.

- « croire qu’il les guérit de toutes sortes de maux en les touchant » à remise en cause du divin.

Ainsi, après avoir parlé d’un sujet léger, Montesquieu s’en prend vigoureusement au roi de France, cherchant à banaliser sa condition et à ouvrir les yeux de ses lecteurs quand aux divagations qu’exerçaient ce pouvoir.

 

  • La critique du pape et de la religion

 

Suite à la critique du roi de France, Montesquieu attaque le pape et par de là, la religion chrétienne.

- « Il y a un autre magicien [...] s’appelle le Pape » à banalisation, il rabaisse le Pape au statut du roi, puis à celui de magicien. Pour Montesquieu, les pouvoirs du Pape n’ont rien de divin, ils ne sont que trop réels. Montesquieu dénonce le fait que le peuple est conservé dans l’obscurantisme (dénonce des pratiques).

- «  trois ne sont qu’un » (trinité), « le pain que l’on mange n’est pas du pain » (corps du christ), « que le vin qu’on boit n’est pas du vin » (sang du christ) à Montesquieu dénonce la religion chrétienne.

- « J’enrage quelquefois comme un chrétien » à retournement de la vue des chrétiens sur les persans et les turcs.

Cet extrait s’achève sur une critique de pape et de la religion.

Ainsi on a vu que Montesquieu commençait à dénoncer l’embarras parisien, puis le roi avant de critiquer le Pape. Mais quand est-il des moyens de la satire ? C’est ce que nous verrons dans un second temps.

 

II. Les moyens de la satire

 

  • Rica, un critique jeune et vif

 

Montesquieu, par le biais du regard de son jeune héros Rica, dénonce.

* Tout d’abord, on remarque la naïveté du héros qui se ressent dès le second paragraphe avec « Paris est aussi grand qu’Ispahan ». Celui-ci compare la capitale de l’Occident à sa ville d’origine qui est, même à cette époque, bien moins importante.

* On note l’utilisation de tournures, d’expressions et d’hyperboles qui accentues les propos du Persan :

- « Les maisons y sont si hautes [...] habitées que par des astrologues. » Cette comparaison soutient l’impression de hauteur des habitations parisiennes.

- Grâce à « Tu juges bien », Montesquieu interpelle implicitement la réflexion du lecteur.

- « six ou sept maisons les unes sur les autres » : par cette image, Rica appuie l’aspect insolite (pour un persan) de voir des étages. Montesquieu joue ici sur l’inverse de la banalisation.

- « est extrêmement peuplée » à Hyperbole qui insiste sur le peuplement important de Paris.

- « Il n’y a point de gens au monde qui tirent mieux partie de leur machine que les français »  à Négation renforçant l’idée que les français utilisent plus leurs véhicules que leurs pieds.

- Argument d’expérience : « Pour moi qui ne suis pas fait pour ce train [...] je reçois régulièrement et périodiquement ».

- Expressions « persanes » comme « j’enrage quelquefois comme un chrétien », expression détourné de « j’enrage comme un turc » par Montesquieu.

- Scène de rue : « Un homme vient après moi [...] m’avait pris ». (comique)

- « depuis les pieds jusqu’à la tête » expression qui vise à accentuer sur l’action d’éclabousser.

- « ...régulièrement et périodiquement... » à Juxtaposition de deux articles synonymes.

- « tomber en syncope » à expression ironique.

- « à peine que le temps de m’étonner » à Rica s’étonne, c’est un esprit vif.

- Comparaison entre la Perse et Paris.

 

  • Autres moyens de la satire

 

*La structure du texte : Sectionné en 7 paragraphes.

- Le 1er introduit le sujet

- Le 2ème sert de support à la critique de l’embarras parisien.

- Le 3ème développe la critique déjà mentionnée par le biais d’une comparaison et d’un argument d’expérience à valeur comique (scène de rue).

- Le 4ème fait la transition entre la critique légère des rues parisiennes, avec celle du roi Louis XIV.

- Le 5ème est la critique du roi.

- Le 6ème est le développement de cette critique par des exemples.

- Le dernier est la critique du Pape, qui s’aligne sur celle du roi (perte de légitimité des deux monarques).

 

- Le texte est en majorité au présent de l’indicatif : valeur de vérité générale.

- « Tu juges bien... » Interpellation des lecteurs.

- Il s’agit d’une lettre à « Tu ne le croirais peut-être pas », le lieu « à Smyrne », « tu jugeras »...

- Le comique : scène de rue.

- Comparaison à Ispahan & Perse avec Paris & l’Occident.

 

Ainsi Montesquieu critique  par une lettre surprenante les embarras de Paris, pour aboutir sur une critique du discours religieux, du roi et du pape. Cette construction en pyramide à laquelle s’ajoutent quelques artifices propre à la satire (dont la personnalité d’Usbek) permet à l’auteur de faire passer un message percutant.

D’autres, comme Voltaire dans L’Ingénu, ont critiqué Paris et le roi (Montesquieu étant le précurseur de Voltaire).

 

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 15:45



Né le 18 janvier 1689, Charles-Louis de Secondat du château de La Brède, futur baron de Montesquieu est l’un des plus éminent philosophe français des Lumières. Notamment connu pour  « De l’esprit des lois » (1748), œuvre colossale de trente tomes rédigée sur plus de vingt années, il sera ensuite reconnu comme étant le pionnier du libéralisme en politique. En 1717, trop poli pour ennuyer ses contemporains avec un traité aride, il cherche une façon plus plaisante de transmettre son aversion envers les travers de la société. S’en suit, en 1721, la publication à Amsterdam des Lettres Persanes, roman épistolaire qui, malgré le fait qu’il soit publié anonymement, ne trompera personne quand à l’identité de son auteur.

 

L’extrait suivant se compose des lettres XI et XII du roman. Il s’agit là d’un comte envoyé par Usbek à son ami Mirza. Il y fait mention d’un peuple, les troglodytes, qui après avoir connu les pires horreurs dues à leur manque d’humanité, pourront se sauver grâce à la vertu.

Aussi pouvons-nous nous demander pour quelle raison Montesquieu place-t-il un apologue dans son roman épistolaire.

 

Nous verrons dans un premier temps l’histoire de ce peuple, avant de porter notre attention sur l’utilisation de l’apologue.

 

I. L’histoire des troglodytes

 

1.1 Un peuple décadent  animé par la cupidité…

 

  • Les Troglodytes sauvages : Un régime politique plus qu’instable

 

- « ressemblaient plus à des bêtes qu’à des hommes », Montesquieu marque par une comparaison le fait que ce peuple n’est pas d’organisation sociale apparente. Il montre aussi l’aspect sauvage des troglodytes qui n’ont aucune valeur humaine. Cette comparaison entre la bestialité (ours, serpent) et l’humanité se poursuit ensuite avec « Ceux-ci n’étaient point si contrefaits […] ni de justice. Dans « principe d’équité et de justice », Montesquieu sous-entend équilibre et démocratie.

- « Ils avaient un roi d’une origine étrangère […] et exterminèrent toute la famille royale. » Montesquieu continu son récit en expliquant qu’une monarchie n’a pas put s’intégrer chez ce peuple. «…les traitaient sévèrement » nous rappelle le despotisme.

- « ils créèrent des magistrats […] ils les massacrèrent encore. » Montesquieu montre une seconde fois l’impossibilité de faire régner un gouvernement chez les troglodytes. Il semblerait que l’histoire de ce peuple colle avec celle des romains (roi étranger à Tarquin le Superbe (étrusque) ; magistrats à consuls de Rome).

- « libre de ce nouveau joug » Le joug en question étant celui qui se sont eux-mêmes imposer, on en conclut que les troglodytes ne peuvent supporter aucune contrainte, même celle qui ont une légitimité. La démocratie est alors impossible à « tous les particuliers convinrent qu’ils n’obéiraient plus à personne ».

- « Chacun veillerait uniquement à ses intérêts » Montesquieu met en avant l’anarchie.

L’absence d’équité, de solidarité et de cohésion engendre une impossibilité de placer un gouvernement à la tête des troglodytes ce qui les poussera à en partie disparaître.

- Champs lexical péjoratif : comparaison à des bêtes, « indigne de leur présence », « méchanceté naturel », « féroces », « méchants », « je ne me soucie point que tous les autres troglodytes soient misérables »… De plus, on remarque que pour les scènes sombres, Usbek ou plutôt Montesquieu emploie un style léger ce qui montre un peu plus l’aspect pitoyable des « sauvages ».

- Les troglodytes sont eux-mêmes divisés entre « les peuples des montagnes » et ceux « des plaines » pourtant, ils sont autant ignobles les uns avec les autres et la calamité les affecte tous.

 

1.2 …qui sera sauvé grâce à la vertu.

 

  • Les troglodytes vertueux : Naissance d’un régime politique stable

 

- «  Il y avait dans ce pays deux hommes bien singuliers » Montesquieu nous décrit ici deux troglodytes tout ce qu’il y a de plus humains. Contrairement au lexique péjoratif constater précédemment pour la description des « sauvages », ceux là ont de l’humanité, connaisse la justice, aiment la vertu, sont intègre, capable de compatir à la souffrance des autres, aiment le travail et leurs femmes… Il existe une union entre ces deux hommes (« une sollicitude commune », « un intérêt commun »). Ils semblent vivre en autarcie pour se protéger des autres pour qui ils ont de la compassion.

- « Ils aiment leurs femmes » s’oppose aux viols et aux enlèvements chez les mauvais troglodytes.

- « Ils eurent bientôt la consolation des pères vertueux qui est d’avoir des enfants qui leur ressemblent » ils cherchent à transmettre leur savoir et y arrivent grâce aux mariages et à la nouvelle génération (accroissement biblique de la population mis en relation avec « chéri des dieux ».

- Changement du comportement des troglodytes : « un peuple si juste devait être chéri des dieux », « ils instituèrent des fêtes », « ne régnait pas moins que la frugalité », « nature naïve », « donner le cœur et le recevoir », « pudeur virginale », « les tendres mères », « une union douce et fidèle », « de pareils souhaits étaient indignes des heureux troglodytes », « la santé de leurs pères, l’union de leurs frères… », « la cupidité était étrangère », « les troupeaux étaient toujours confondus » (confiance).

On note alors que la vertu à rendu les anciens troglodytes et leurs cortèges de vices à devenir des hommes pleins de bonté, de fraternité, d’égalité, de confiance, d’amour, de compassion sans pour autant être privé de liberté (absence de gouvernement mais naissance de religion avec la vertu). Montesquieu nous fait l’éloge d’une utopie basée sur « l’humanité » dans le bon sens du terme.

 

II. L’utilisation de l’apologue

 

2.1 Le comte dans un roman épistolaire

 

  • La place de l’apologue dans une lettre fictive

 

Lettres Persanes est un roman épistolaire. Montesquieu utilise ainsi une correspondance entre plusieurs persans pour dénoncer les travers de la société occidentale. Ainsi, comme pour toute lettre, on remarque un destinataire (Mirza), un lieu (D’Erzeron à Ispahan), une date (le 3 de la lune de Gemmadi 2, 1711). De plus, l’auteur utilise une nouvelle arme pour critiquer, il insère un apologue dans sa lettre, pratique déjà utilisée par les persans.

- En effet on passe d’un dialogue adressé à Mirza (premier paragraphe) au comte par « il y avait en Arabie », expression souvent trouvée au début d’histoires et d’apologues au même titre que « il était une fois ».

- Présence d’un imparfait de description et d’un vocabulaire assez basique. Celui-ci peut sans doute provenir du vœu de l’auteur de répandre sa réflexion au plus grand nombre.

- Rythme soutenu dû à l’emploi d’une forte ponctuation ce qui donne une fluidité au texte.

- Cet effet « historique » dû à « peut être ce morceau d’histoire te touchera plus qu’une philosophie subtile » donne un semblant d’objectivité à Usbek et donc à Montesquieu. De plus, toute la subtilité de la philosophie de l’auteur provient justement de l’utilisation de cette histoire.

- L’histoire des troglodytes se compose de plusieurs lettres. La première (11ème) fait mention des mauvais troglodytes. On remarque alors l’utilisation de questions rhétoriques comme « Qu’ai-je affaire d’aller me tuer à travailler pour des gens dont je ne me soucie point ?... » qui montrent toute la cupidité, la méchanceté et l’ignominie de ces personnages. L’auteur utilise toute sorte de procédés pour montrer la sauvagerie de ces personnes à ils sont alors noyés dans l’obscurantisme.

- Cependant, dans la lettre 12, deux troglodytes à l’écart du groupe cherchent à changer les travers de leurs confrères. Ceux-là nous font alors penser aux philosophes des Lumières qui sont « l’œil externe de la société » cherchant sans cesse à montrer les injustices et les défauts de celle-ci. De plus, ils sont comparés à « des pères vertueux » : la vertu signifiant le goût qu’ils peuvent avoir à faire les choses plus que correctement avec le sens du devoir accompli.

 

2.2 Le message de Montesquieu

 

  • La dimension politique de ce texte

- Montesquieu montre qu’il est nécessaire que les hommes soient liés pour que chacun trouve son compte.

- L’auteur fait l’apologie du libéralisme et de l’utopisme en montrant les biens faits d’une société sans gouvernement, mais basée sur la vertu (« pères vertueux » à philosophes à Montesquieu s’encens lui-même ainsi que le travail de ses amis et confrères philosophes des Lumières)

- Dimension déiste avec l’apparition de la religion qui prend d’elle-même une place importante chez les bons troglodytes. De plus, la religion peut être synonyme de valeurs morales chez Montesquieu, plus que de fanatisme.

- Opposition entre la cupidité, l’orgueil et l’intérêt particulier avec l’intérêt général, la fraternité, l’équité et l’entraide.

- Perpétuation des valeurs grâce à l’éducation.

 

Ainsi, l’utilisation de l’apologue ainsi que de nombreux autres procédés permet à Montesquieu d’exposer son vœu d’un bonheur individuel et durable. Celui-ci recherche en effet une société libertaire, égalitaire, où chacun vit en harmonie sans qu’il y est pour autant de gouvernement ou de monarque pour diriger le tout. Contrairement aux mauvais troglodytes, les bons sont uniquement animés par les valeurs morales et humaines que des philosophes leurs ont inculqués. Ainsi, l’auteur place le conte pour démontrer de manière légère que « les hommes sont nés pour être vertueux » et qu’avec cette vertu innée, on peut créer un société que l’on peut qualifier d’utopiste.

Montesquieu a dans d’autres ouvrages parlé de ses opinions politiques comme notamment dans De l’esprit des lois, qui n’est ni plus ni moins que l’œuvre de sa vie.

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 15:36



Texte étudié

Conçu initialement pour réparer l’erreur judiciaire à l’origine de l’affaire Calas, cet ouvrage acquiert progressivement une portée universelle, devenant un plaidoyer en faveur de la tolérance.

 

   Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir.
   Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.

Voltaire, Traité sur la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas (1763), chapitre XXIII. 


Lecture Analytique

A Toulouse en 1761, Marc-Antoine Calas est trouvé pendu dans sa propre maison. La rumeur publique accuse son père, le calviniste Jean Calas, de l’avoir assassiné pour l’empêcher de se faire catholique et de dépenser la fortune familiale lors de son mariage. Clamant son innocence, le vieux drapier sera cependant rompu vif sur la roue le 10 mars 1762. Un homme, François-Marie Arouet dit Voltaire, va pourtant prendre parti en faveur du condamné par le biais d’un ouvrage : Traité sur la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas (1763).

 

Né dans une riche famille parisienne, Voltaire fera ses études chez les jésuites. Connu dès l’âge de 24 ans grâce au succès d’Œdipe, il prit de nombreuses fois position contre toutes sortes d’injustices, ce qui lui valut plusieurs séjours à la Bastille, quelques exiles et une place de choix parmi les philosophes des Lumières.

 

Dans l’extrait suivant,  intitulé « Prière à Dieu », Voltaire développe son vœu de fraternité entre les hommes. Aussi pouvons-nous nous demander de quelle manière le philosophe cherche-t-il à imposer son message de tolérance et de solidarité.

 

Nous analyserons dans un premier temps le pessimisme de Voltaire en notant sa vision de l’Homme et la dimension polémique de ce récit. Dans un second temps, nous porterons notre attention sur le déisme de l’auteur en remarquant un paradoxe entretenu par l’attaque faite par Voltaire sur le religieux qui s’oppose aux louanges que celui-ci écrit à Dieu.

 

I. Une conception pessimiste de l’Homme

 

A. L’Homme vu par Voltaire

 

  • Un lexique péjoratif

 

Dans ce texte, Voltaire a une conception très péjorative de l’Homme. En effet, on peut lire :

- « ...faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers... » (l.2-3)

- « ...les erreurs attachées à notre nature... » (l.5)

- « ...nos débiles corps... » (l.8)

- « ...entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux... » (l.8-10)

- « ...les atomes appelés hommes... » (l.12)

- « ...des signaux de haine et de persécution... » (l.12)

Pour Voltaire, la nature humaine est loin d’être parfaite. On note cependant l’emploi de la première personne du pluriel (« nous », nos »...), ce qui implique que l’auteur se place parmi les hommes et ne cherche pas à voir ces êtres si imparfaits comme des étrangers. Ainsi, Voltaire se déprécie au même titre que le reste de l’humanité.

 

  • Opposition entre le Divin et l’homme

 

Comme vu précédemment, l’auteur à une vision péjorative de l’Homme, qu’il n’hésite pas à déprécier. Cependant, on note aussi la mise en relation de la nature imparfaite de celui-ci avec la splendeur divine :

- « Ce n’est pas aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, de tous les temps... » (l.1) Dieu est donc qualifié d’omniscient.

- « S’il est permis à de faibles créatures [...], d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature... » (l.2-5) « oser » et « daigne » définis une idée d’infériorité de la part des hommes face à Dieu.

- « ...entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi... » (l.11) Nouvelle dépréciation.

- « ...car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir. » (l.21) Dieu possède tout.

Ainsi, Voltaire considère la nature humaine (dont il fait parti), comme profondément imparfaite et va jusqu’à la comparer à l’idée de l’être suprême (et donc selon lui, parfait).

 

B.  La dimension polémique de ce message

 

  • Un plaidoyer pour la tolérance

 

- « ...nous nous aidions mutuellement à supporter une vie pénible et passagère... » (l.7)

« Supporter » du latin « tolerate » qui rappel la tolérance ; « mutuellement » traduit l’idée de solidarité.

- « ...Dieu de tous les êtres, de tous les mondes... » (l.1) Dieu est universel, il n’y a donc pas lieu d’avoir des discordes à ce sujet.

- « ...ceux qui [...] supportent ceux qui... » Voltaire montre son désir tolérance.

- « ...que ceux qui  [...] ne détestent pas ceux qui... » (l.15), « ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix... » (l.25) On note un désir de la part de l’auteur : celui qu’une paix durable s’installe.

- « ...employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie... » (l.24) Souhait d’une tolérance ethnique et religieuse.

 

  • Un texte polémique

 

- Voltaire s’implique comme nous pouvons le noter par la présence de la première personne du singulier (« je », « me »). Il endosse le rôle de narrateur interne.

- De plus, le lexique péjoratif analysé plus haut est complété par une touche ironique (« ...un certain métal... » (l.19), « ...ceux qui allument des cierges en plein midi... » (l.13)...etc.

- La progression de Voltaire est visible par la structure du texte. On note en effet la présence de deux §. Dans le premier, il blâme l’humanité et expose son vœu de tolérance tandis que dans le second, il résume le souhait déjà exposée dans le premier §: « Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! » (l.22)

- De plus le texte, qui se compose principalement de phrases longues, est rythmé par la présence de « ; » et de « , ». Voltaire articule donc sa pensée par la ponctuation et par quelques connecteurs logiques (« ou », « que »), permettant ainsi au lecteur de suivre la logique du narrateur.

Ainsi ce texte qui se veut être un plaidoyer en faveur de la tolérance, n’en est pas moins polémique.

 

II. Voltaire : Un auteur déiste

 

A. Une prière faite à Dieu

 

  • Une prière écrite

 

- Utilisation de la deuxième personne du singulier (« tu ») lorsque l’auteur s’adresse à Dieu.

Présence de trois temps verbaux principaux :

- Le présent de narration qui est utilisé ici pour donner un rythme soutenu au récit.

- Le subjonctif avec « ...puissent tous les hommes... » (l.22) ce qui imprime l’idée d’un vœu et donc ici, d’une prière.

- L’impératif avec des verbes comme « daigne », « fais » qui montre un changement : le souhait se transforme en ordre.

De plus, on remarque des expressions comme « je m’adresse » (l.1) ou encore « te demander » (l.3) ce qui prouve le fait que ce texte soit une prière.

 

  • Un destinataire omniscient

 

On note un champ lexical mélioratif pour qualifier Dieu :

- « Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps » (l.1) Dieu est donc omniscient. On note un parallélisme syntaxique pour accentuer sur les qualités du divin.

- « ...à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels... » (l.3). Présence d’un nouveau parallélisme syntaxique avec la répétition de « à toi » qui sert à accentuer l’idée d’un dieu tout puissant.

- « ...daigne regarder en pitié... » (l.4). Le terme « regarder » montre que Dieu voit tout (il est omniscient), tandis que l’expression insiste sur l’esprit compatissant du divin maître.

- « ...Tu ne nous as point donné... » (l.5), « ...ton soleil... » (l.14). Dieu est définit comme le Créateur.

- « ...car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir. » (l.21) Dieu est ici un exemple d’humilité.

Ainsi l’auteur exprime son vœu par une prière faite à Dieu. Selon Voltaire, celui-ci est à la fois éternel, généreux, omniscient, bon, compatissent...en somme, il est parfait. Cette perfection envisagée par le philosophe montre les croyances de celui-ci qui sans doute, croit en l’existence d’un être suprême.

 

B. Une attaque contre la religion

 

  • L’utilisation de l’ironie

 

Nous avons pu constater que l’ironie prend une place importante dans ce texte, l’incluant dans le registre polémique. Mais Voltaire donne un rôle bien particulier à cette forme de raillerie. En effet, nous pouvons noter plusieurs périphrases pour désigner les catholiques et les protestants.

- « ...ceux qui allument des cierges en plein midi... », « ...ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche... », « ...un jargon formé d’une ancienne langue... », « ...ceux dont l’habit est teint en rouge et en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de boue de ce monde et qu’ils possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal. ». Ces expressions expriment le dégoût (« boue ») de Voltaire au sujet des catholiques. On remarque l’utilisation de périphrases et de l’ironie pour donner plus de poids à sa raillerie. L’auteur désigne les catholiques de dépensiers, d’orgueilleux, de traditionalistes, d’intolérants, de jaloux etc.

- L’auteur ne qualifie pas les protestants aussi violement qu’il le fait avec les catholiques. On peut en effet lire quelques périphrases : « ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil », « ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire », « un jargon plus nouveau ». Voltaire semble penser que les protestants sont plus modernes, moins dépensiers et vivent plus sobrement que les catholiques. Il attaque donc ces derniers.

 

 

Voltaire accuse implicitement

 

Nous avons pu remarquer que l’auteur utilise un lexique péjoratif lorsqu’il écrit sur les catholiques. De plus, étant donné qu’il adresse son message de tolérance aux hommes par l’intermédiaire de Dieu, on peut s’imaginer qu’il accuse la morale catholique d’être l’auteur du « brigandage » (l.23) énoncé dans le second §. Peut être que pour lui, l’intolérance vient essentiellement de la religion catholique.

 

Ainsi, Voltaire s’oppose à l’intolérance par une prière à Dieu. Celle-ci semble être une astuce mise en place par l’auteur pour atteindre la conscience des croyants, ceux-là mêmes qui s’affrontent les uns contre les autres. Cependant, il semblerait que Voltaire ne soit pas objectif, mais accuse le catholicisme d’être la source de l’intolérance.

Nous aurions pu étudier la place de ce texte dans le mouvement philosophique des Lumières.

D’autres auteurs ont prit part à de grandes affaires comme notamment Emile Zola dans l’affaire Dreyfus avec l’article « J’accuse ».

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 15:24



Texte étudié :


« Tant de raisonneurs ayant fait le roman de l’âme, un sage est venu qui en a fait modestement l’histoire. Locke a développé à l’homme la raison humaine, comme un excellent anatomiste explique les ressorts du corps humain. Il s’aide partout du flambeau de la physique; il ose quelquefois parler affirmativement, mais il ose aussi douter. Au lieu de définir tout d’un coup ce que nous ne connaissons pas, il examine par degrés ce que nous voulons connaître. Il prend un enfant au moment de sa naissance, il suit pas à pas les progrès de son entendement; il voit ce qu’il a de commun avec les bêtes, et ce qu’il a au-dessus d’elles; il consulte surtout son propre témoignage, la conscience de sa pensée. 

« Je laisse, dit-il, à discuter à ceux qui en savent plus que moi, si notre âme existe avant ou après l’organisation de notre corps; mais j’avoue qu’il m’est tombé en partage une de ces âmes grossières qui ne pensent pas toujours, et j’ai même le malheur de ne pas concevoir qu’il soit plus nécessaire à l’âme de penser toujours qu’au corps d’être toujours en mouvement. » 

Pour moi, je me vante de l’honneur d’être en ce point aussi simple que Locke. Personne ne me fera jamais croire que je pense toujours; et je ne me sens pas plus disposé que lui à imaginer que quelques semaines après ma conception j’étais une fort savante âme, sachant alors mille choses que j’ai oubliées en naissant, et ayant fort inutilement possédé dans l’uterus des connaissances qui m’ont échappé dès que j’ai pu en avoir besoin, et que je n’ai jamais bien pu reprendre depuis. 

Locke, après avoir ruiné les idées innées, après avoir bien renoncé à la vanité de croire qu’on pense toujours, ayant bien établi que toutes nos idées nous viennent par les sens, ayant examiné nos idées simples, celles qui sont composées, ayant suivi l’esprit de l’homme dans toutes ses opérations, ayant fait voir combien les langues que les hommes parlent sont imparfaites, et quel abus nous faisons des termes à tout moment; Locke, dis-je, considère enfin l’étendue, ou plutôt le néant des connaissances humaines. C’est dans ce chapitre qu’il ose avancer modestement ces paroles: Nous ne serons peut-être jamais capables de connaître si un être purement matériel pense ou non.

Ce discours sage parut à plus d’un théologien une déclaration scandaleuse que l’âme est matérielle et mortelle. Quelques Anglais, dévots à leur manière, sonnèrent l’alarme. Les superstitieux sont dans la société ce que les poltrons sont dans une armée: ils ont et donnent des terreurs paniques. On cria que Locke voulait renverser la religion: il ne s’agissait pourtant point de religion dans cette affaire; c’était une question purement philosophique très indépendante de la foi et de la révélation; il ne fallait qu’examiner sans aigreur s’il y a de la contradiction à dire: La matière peut penser, et Dieu peut communiquer la pensée à la matière. Mais les théologiens commencent, trop souvent par dire que Dieu est outragé quand on n’est pas de leur avis. »


Lecture Analytique

En 1726, une dispute oppose François-Marie Arouet dit Voltaire avec le chevalier de Rohan. Plein de mépris et d’amertume pour ce bourgeois sans nom, le philosophe voudrait une réparation par les armes. Mais une lettre l’envoie à la Bastille pour méditer ce qu’il en coûte à un roturier de s’en prendre à un gentilhomme. Peu après, il sera autorisé à s’exiler en Angleterre où penser n’est pas un crime. De son voyage naîtra les Lettres philosophiques, « première bombe lancée contre l’ancien régime » (selon Lanson).

 

Dans l’extrait suivant de la lettre XIII intitulé « Sur Locke », Voltaire entreprend un travail de vulgarisation de la science. Aussi pouvons-nous nous demander comment le philosophe s’y prend-il pour banaliser le progrès, qui fait tant peur aux croyants.

 

Nous analyserons dans un premier temps la dimension polémique de l’œuvre en notant la manière que Voltaire a d’exprimer ses opinions, son empathie et son antipathie. Puis nous porterons notre attention sur le travail de banalisation, remarquable par le goût que l’auteur a pour les sciences, ainsi que par l’accusation que celui-ci fait du religieux.

 

I. Une œuvre polémique...

 

A. Exposition des opinions philosophiques de Voltaire

 

  • Un texte structuré :

 

- Au paragraphe 1 (1 à 8) : Présentation du sujet de la lettre : le philosophe anglais John Locke et ses travaux.

- Au paragraphe 2 (9 à 12) : Illustration des propos tenus dans le 1er § par une citation extraite de Essai philosophique concernant l’entendement humain (1690). Voltaire intègre dans son texte une première idée philosophique : Quand la pensée se manifeste t-elle chez l’homme ? Peut-on penser continuellement ?

- Au paragraphe 3 (13 à 18) : Prise de position de Voltaire : ce dernier partageant les idées de Locke.

- Au paragraphe 4 (19 à 23) : L’auteur résume une seconde idée issue du philosophe anglais ; pour lui, les idées proviennent des sens.

- Au paragraphe 5 (24 à 26) : Troisième idée avancée par Voltaire par le biais d’une citation de Locke : Est-ce que la matière est-elle douée de pensée ?

- Au paragraphe 6 (27 à 28) : L’auteur compare l’idée énoncée avec celles des théologiens.

- Au paragraphe 7 (29 à 35) : Voltaire prend dans ce dernier paragraphe, position contre la religion et accuse les religieux de paniquer devant le progrès.

On remarque aussi l’utilisation de la première personne du singulier pour caractériser Voltaire ce qui montre que celui-ci s’implique clairement dans la défense de ses idées, ainsi que la troisième personne du singulier pour désigner Locke. Le principal temps de ce récit est le présent de l’indicatif qui est aussi utilisé pour décrire les expériences de Locke, bien que celui-ci soit déjà mort. Ce temps donne cependant plus de dynamisme au texte. Par ailleurs, bien que les phrases descriptives soient majoritairement longues, on note la présence de « ; », « , » et de « : » qui permettent à Voltaire de bien articuler sa pensée pour que le lecteur puisse la suivre au mieux. Même chose avec la présence d’articulateurs logiques comme « et », « mais », « toujours », « au lieu de », « après avoir » etc.

 

  • Des thermes incisifs

 

Le langage choisi par Voltaire, trahis les opinions de celui-ci. En effet, nous pouvons remarquer l’utilisation de nombreuses expressions péjoratives :

- « Tant de raisonneurs ayant fait le roman de l’âme... » (l.1) Les « raisonneurs » sont des penseurs dont les idées ne sont pas tangible. De plus, on peut noter une périphrase avec « le roman de l’âme » qui désigne les livres saints. Cependant, le terme « roman » insiste sur le fait que ces ouvrages soient de l’ordre de la fiction. Il s’agit donc d’une dépréciation de la religion.

- « au lieu de définir tout d’un coup ce que nous ne connaissons pas » (l.5) Nouvelle attaque de la religion. Pour Voltaire, les écrits religieux ne sont pas tangibles tout comme pour Locke avec : « Je laisse à discuter à ceux qui en savent plus que moi si notre âme existe avant ou après l’organisation... » (l.9). Pour ces philosophes, le religieux n’a que peut d’intérêt.

- « je me vante de l’honneur d’être en ce point aussi stupide que Locke » (l.13) Cette courte phrase met l’accent sur les opinions que Voltaire partage avec Locke. L’utilisation du qualificatif « stupide » donne davantage de poids à cette affirmation, ce qui laisse à penser que l’auteur désirait lors de sa rédaction, à choquer ses lecteurs.

- « j’étais une fort savant âme [...] j’ai pu en avoir besoin », utilisation de l’ironie pour dégrader la parole des théologiens.

- « Locke, après avoir ruiné les idées innées » (l.19) L’auteur porte ici atteinte aux théories de Descartes, pour qui les idées vraies sont innées. On note l’utilisation du verbe « ruiner » qui donne de l’impact à cette argumentation.

- « le néant des connaissances humaines » (l.24) Par cette expression, Voltaire s’en prend à l’esprit humain qui selon lui, est très limité.

- « Les superstitieux sont dans la société de que les poltrons sont dans une armée ; ils ont, et donnent des terreurs paniques » (l.30) Il s’agit d’une très nette dépréciation de l’esprit humain. A l’époque, l’une des plus grandes superstitions était de désobéir à Dieu. La recherche faisant parti de ce qui pourrait agacer le créateur, elle est vivement condamné par les théologiens (eux même le sont par Voltaire).

 

  • Voltaire : Un philosophe plus acerbe que son homologue anglais

 

Dans les citations de Locke, on remarque que le philosophe anglais ne semble pas être aussi catégorique que Voltaire.

- « Je laisse à discuter à ceux qui en savent plus que moi si notre âme existe avant ou après l’organisation [...] toujours en mouvement » Dans cette citation, Locke n’accuse pas explicitement la religion de créer une vérité irrationnel comme peut le faire Voltaire dans son texte. Au contraire, il dit juste ne pas s’intéresser au religieux pour mieux chercher l’origine scientifique de la pensée. Cette dernière est appelée « âme », il s’agit peut-être là d’une parade pour éviter la polémique en adoptant la conception de la pensée religieuse.

- « Nous ne serons jamais peut-être capables de connaître si un être purement matériel pense ou non. » Cette phrase est structurée de telle manière que le message semble moins prêter à la discorde que celui de Voltaire (où celui-ci parle du « néant des connaissances humaines »). Ceci est en parti dû à l’utilisation de la préposition « peut-être » qui introduit une concession.

 

Ainsi cet extrait appartient au registre polémique. Voltaire dénonce explicitement le frein au progrès intellectuel dû à la superstition. Pour se faire, il utilise les théories de Locke et structure son texte pour que ce dernier soit plus percutant.

 

B. Locke : Un philosophe éclairé contre l’obscurantisme religieux

 

  • Locke : un philosophe encensé

 

Lorsqu’il parle de Locke, Voltaire utilise un champ lexical très mélioratif :

- « un sage » Répété deux fois dans le texte, ce terme montre la sagesse, l’équilibre et la mesure du philosophe.

- « modestement » La modestie montre que Locke ne cherche pas à s’opposer clairement à la religion, mais tente plus humblement de chercher des solutions philosophiques.

- « un excellent anatomiste » Référence à l’anatomie, discipline qui exige des soins et de la méthode, et qui est très mal vue par les théologiens.

- « Il s’aide partout du flambeau de la physique » Le flambeau est l’image des Lumières et la démocratisation de la science fait partie de la lutte des philosophes pour le progrès.

- « Il ose quelquefois parler affirmativement, mais il ose aussi douter ». Le verbe « oser » montre que Locke sait que ses théories sont anticléricales. Il ne semble pourtant pas être catégorique dans ses avancements.

- « je me vante de l’honneur d’être aussi stupide que Locke » Litote obtenue par l’utilisation du mot stupide qui, dans le contexte de la phrase, signifie l’inverse du sens présupposé.

- « ...après avoir bien renoncé à la vanité » Locke ne semble donc pas être orgueilleux, et avance ses théories en toute modestie.

Ainsi, John Locke est véritablement encensé par Voltaire.

 

  • Une mise en relation entre la philosophie et le religieux

 

Locke est décrit dans ce texte comme un sage, modeste, dénué de vanité, qui prône la science et la méthode. Cependant, Voltaire va plus loin : Il met en relation la logique scientifique avec l’irrationnel religieux.

- « Tant de raisonneurs ayant fait le roman de l’âme, un sage est venu, qui en a fait modestement l’histoire » La dépréciation de la religion est mise en relation avec la sagesse et la modestie du philosophe anglais dont le travail fut de chercher le rationnel de l’âme humaine. On remarque une antithèse entre les termes « roman » (qui rappel la fiction) et « histoire » (qui se base sur des faits réels).

- « ...au lieu de définir tout d’un coup ce que nous ne connaissons pas, il examine par degrés ce que nous voulons connaître. » Par cette phrase, Voltaire met en relation l’irrationnel religieux avec la science tangible de Locke.

- « ...l’honneur d’être en ce point aussi stupide que Locke. Personne... » Mise en relation du nom du philosophe avec un nom commun, « personne », qui fait référence aux « raisonneurs ».

- « Ce discours sage est parut à plus d’un théologien une déclaration scandaleuse que l’âme est matérielle et mortelle. » Opposition des termes « sage » et « scandaleuse » (anaphore).

- « Mais les théologiens commencent trop souvent par dire que Dieu est outragé quand on n’est pas de leur avis » Présence du pronom personnel « on » qui fait référence à Voltaire, Locke ainsi qu’à tout ceux qui s’oppose aux idées religieuses. Très nette dépréciation des théologiens : pour Voltaire, ils tentent d’embrigader la population.

 

Ainsi, nous avons pu voir que par sa lettre, Voltaire fait l’éloge de la science et critique de manière catégorique l’obscurantisme religieux. Il reprend les idées de Locke qu’il met en relation avec celles des théologiens. Pour lui, seul la science est de source tangible.

 

Nous avons ainsi pu voir la dimension polémique de cette lettre, mais quand est-il du message et du but de celle-ci ? C’est ce que nous nous efforcerons d’étudier dans un second temps.

 

II. ...qui banalise le savoir

 

A. La banalisation du savoir

 

Par cette lettre consacrée au philosophe anglais Locke ainsi qu’à ses travaux, Voltaire entreprend un véritable travail de vulgarisation de la science et du progrès :

- « ...un sage est venu, qui en a fait modestement l’histoire » Voltaire parle ici de « l’histoire » de l’âme, banalisant ainsi le travail de Locke à une simple recherche de faits.

- « Locke a développé à l’homme la raison humaine comme un excellent anatomiste explique les ressorts du corps humain » L’anatomie est à l’époque très mal vue. Voltaire en parle comme s’il s’agissait d’une pratique courante.

- « Il s’aide partout du flambeau de la physique [...] il consulte surtout son propre témoignage, la conscience de sa pensée. » L’auteur décrit ici le cheminement intellectuel de Locke quand celui-ci cherche à résoudre une question philosophique. Cette description permet d’informer le lecteur, pour que celui-ci sorte de son ignorance sur ce sujet et permet de penser librement. Rien ne semble être une injure à Dieu dans ces travaux. On note aussi un parallélisme syntaxique  formait par la répétition de « il » avant chaque proposition, ce qui donne une rythmique au texte.

- « Locke, après avoir ruiné les idées innées [...] et quel abus nous faisons des termes à tous moments. » Par ce §, Voltaire explique que le travail de Locke consiste uniquement à suivre l’esprit humain pour en montrer les lacunes. L’utilisation du terme « examine » (du latin « examinare » qui signifie « peser, mettre en équilibre ») montre que Locke a uniquement un rôle d’observateur.

- « il ose avancer modestement ces paroles » La modestie de Locke, déjà remarquée par l’absence de « vanité », couplée avec le verbe « oser » montre que le philosophe affirme sans chercher à mettre le désordre dans les esprits.

- « Les superstitieux sont dans la société ce que les poltrons sont dans une armée ; ils ont, et donnent des terreurs paniques » Cette comparaison entre la superstition et la peur de la mort souligne que la terreur des théologiens n’est fondée que sur l’irrationnel. En effet, la plus grande superstition était d’avoir la peur de déplaire à Dieu. Pour Voltaire, cette frayeur de la science est condamnable.

- « On cria que Locke voulait renverser la religion [...] et si Dieu peut communiquer la pensée à la matière. » Dans le dernier §, tout le travail de banalisation du progrès par l’auteur se résume ici. On note la relation entre les termes « foi », « religion », « révélation » et le mot « philosophique », ainsi qu’une négation suivit d’une affirmation : « il ne s’agissait pourtant point de la religion [...] c’était une question purement philosophique ». Voltaire explique ici que Locke n’est qu’un scientifique qui ne cherche que des solutions sans pour autant vouloir s’en prendre à la religion.

 

 

B. La religion : Un obstacle au progrès

 

- On note aussi la présence d’un large champ lexical de l’esprit avec : « stupide », « croire », « pense », « imaginer », « oubliées », « savante », « connaissances », « rapprendre », « idées », « l’esprit », « connaître », « avis », « raisonneurs », « sage », « raison », « entendement », « témoignage », « conscience », « pensée » etc. Tous ces termes font référence à l’intellect et font de la philosophie, la discipline du sage.

- « au lieu de définir tout d’un coup ce que nous ne connaissons pas », Voltaire dégrade les paroles religieuses qui sont pour lui de l’ordre de l’imaginaire.

- « personne ne me fera jamais croire que je pense toujours » Impression d’obstacle due au fait que des personnes (les théologiens) cherchent à imposer leurs conceptions.

- « j’étais une fort savant âme [...] j’ai pu en avoir besoin », utilisation de l’ironie pour dégrader la parole des théologiens (comme vu précédemment).

- « Locke, après avoir ruiné les idées innées... » Cette citation donne l’idée d’une destruction par Locke, de l’obstacle précité.

- « Les superstitieux sont dans la société ce que les poltrons sont dans une armée, ils ont, et donnent des terreurs paniques. » ainsi que « Mais les théologiens commencent trop souvent par dire que Dieu est outragé quand on n’est pas de leur avis » Accusation limpide de la religion. Pour Voltaire, elle est un obstacle à la liberté de pensée, ainsi qu’à la démocratisation de la science et du progrès.

 

Ainsi Voltaire s’oppose à l’obscurantisme religieux par une lettre polémique. La banalisation de la science se fait sur plusieurs niveaux : par une description méthodique des travaux de Locke ainsi que par une condamnation de la rigueur d’esprit des théologiens. Cet écrit vaudra à Voltaire une nouvelle lettre à cachet. Pour échapper à l’emprisonnement, l’auteur s’exilera en Lorraine.

Nous aurions pu étudier le rôle de ce texte dans le mouvement philosophique et littéraire des Lumières.

D’autres auteurs ont critiqué l’obscurantisme religieux comme la notamment fait Denis Diderot avec Additions aux Pensées philosophiques écrit en 1762. Il y est inscrit la réplique suivante qui prouve l’antipathie de l’homme pour les théologiens :

« Egaré dans la forêt immense pendant la nuit, je n’ai plus qu’une petite lumière pour me conduire. Survient un inconnu qui me dit : Mon ami, souffle la chandelle pour mieux trouver ton chemin. Cet inconnu est un théologien. »

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 15:13



Texte étudié


"La raison est à l'égard du philosophe, ce que la grâce est à l'égard du chrétien. La grâce détermine le chrétien à agir; la raison détermine le philosophe.

Les autres hommes sont emportés par leurs passions, sans que les actions qu'ils font soient précédées de la réflexion: ce sont des hommes qui marchent dans les ténèbres; au lieu que le philosophe dans ses passions mêmes, n'agit qu'après la réflexion; il marche la nuit, mais il est précédé d'un flambeau.

La vérité n'est pas pour le philosophe une maîtresse qui corrompe son imagination, & qu'il croie trouver partout; il se contente de la pouvoir démêler où il peut l'appercevoir, Il ne la confond point avec la vraisemblance; il prend pour vrai ce qui est vrai, pour faux ce qui est faux, pour douteux ce qui est douteux, & pour vraisemblable ce qui n'est que vraisemblable. Il fait plus, & c'est ici une grande perfection du philosophe, c'est que lorsqu'il n'a point de motif propre pour juger, il fait demeurer indéterminé.

L'esprit philosophique est donc un esprit d'observation & de justesse, qui rapporte tout à ses véritables principes; mais ce n'est pas l'esprit seul que le philosophe cultive, il porte plus loin son attention & ses soins.

L'homme n'est point un monstre qui ne doive vivre que dans les abîmes de la mer, ou dans le fond d'une forêt: les seules nécessités de la vie lui rendent le commerce des autres nécessaire; & dans quelqu'état où il puisse se trouver, ses besoins & le bien être l'engagent à vivre en société. Ainsi la raison exige de lui qu'il connoisse, qu'il étudie, & qu'il travaille à acquérir les qualités sociables.

Notre philosophe ne se croit pas en exil dans ce monde; il ne croit point être en pays ennemi; il veut jouir en sage économe des biens que la nature lui offre; il veut trouver du plaisir avec les autres: & pour en trouver, il en faut faire: ainsi il cherche à convenir à ceux avec qui le hasard ou son choix le font vivre; & il trouve en même tems ce qui lui convient: c'est un honnête homme qui veut plaire & se rendre utile.

La plupart des grands à qui les dissipations ne laissent pas assez de tems pour méditer, sont féroces envers ceux qu'ils ne croient pas leurs égaux. Les philosophes ordinaires qui méditent trop, ou plutôt qui méditent mal, le sont envers tout le monde; ils fuient les hommes, & les hommes les évitent. Mais notre philosophe qui sait se partager entre la retraite & le commerce des hommes, est plein d'humanité. C'est le Chrémès de Térence qui sent qu'il est homme, & que la seule humanité intéresse à la mauvaise ou à la bonne fortune de son voisin. Homo sum, humani à me nihil alienum puto.

Il seroit inutile de remarquer ici combien le philosophe est jaloux de tout ce qui s'appelle honneur & probité. La société civile est, pour ainsi dire, une divinité pour lui sur la terre; il l'encense, il l'honore par la probité, par une attention exacte à ses devoirs, & par un désir sincère de n'en être pas un membre inutile ou embarrassant. Les sentimens de probité entrent autant dans la constitution méchanique du philosophe, que les lumières de l'esprit. Plus vous trouverez de raison dans un homme, plus vous trouverez en lui de probité. Au contraire où règne le fanatisme & la superstition, règnent les passions & l'emportement. Le tempérament du philosophe, c'est d'agir par esprit d'ordre ou par raison; comme il aime extrêmement la société, il lui importe bien plus qu'au reste des hommes de disposer tous ses ressorts à ne produire que des effets conformes à l'idée d'honnête homme. "


Lecture Analytique


Extrait de l’article « Philosophe » écrit par Dumarsais pour l’Encyclopédie, ce texte sort de sa fonction didactique pour peindre un portrait élogieux, dénué d’objectivité, de la philosophie des Lumières. Grammairiens de profession, César Chesneau Dumarsais (1676-1756) fut notamment connu pour son ouvrage de rhétorique intitulé : Traité des tropes. L’article suivant commandé à Dumarsais par Diderot et d’Alembert n’est pas de toute évidence un article d’encyclopédie, mais semble davantage être un texte polémique faisant l’éloge des philosophes du XVIIIème.

Aussi pouvons-nous nous demander comment Dumarsais s’y prend-il pour encenser les penseurs dans un recueil dont le but principal est d’instruire de manière objective.

Nous analyserons dans un premier temps les louanges que l’auteur fait de ses amis, avant de porter notre attention sur la comparaison que Dumarsais établi entre les philosophes et les hommes.

 

I. Un portrait élogieux structuré

 

- Dans le premier paragraphe, Dumarsais expose son idée force : la raison du philosophe est une chose sacrée.

- Dans le deuxième paragraphe, l’auteur met en relation le penseur avec les autres hommes pour accentuer le rôle de celui-ci. Il utilise la métaphore du flambeau pour caractériser la pensée du philosophe, et n’hésite pas à la mettre en relation avec l’obscurité, démontrant ainsi le rôle de guide du théoricien (antithèse).

- Dans le troisième paragraphe, le grammairien explique que la vérité découle chez le philosophe, d’une étude minutieuse, celui-ci cherchant à être objectif. On note une métaphore avec la « maîtresse », ce qui implique que le penseur ne reçoit pas ses informations d’une tierce personne, mais recherche des faits à la source. Il y a aussi un parallélisme syntaxique visant à accentuer les qualités énoncées.

- Le 4ème § est une transition visant à résumé les idées développées (pour mieux les accentuer) tout en faisant un parallèle avec la suite de l’argumentaire. Les philosophes est décrit comme étant méticuleux et équilibré.

- Le 5ème § explique que le philosophe est sociable, et se mêle à la société pour mieux la comprendre. Présence d’une antithèse entre le penseur et la bête. Celle-ci n’étant pas doué de pensée, et ne partageant pas la vie sociale.

- Le 6ème § commence par « notre », ce qui implique que Dumarsais cherche à le placer plus près des lecteurs et donc du peuple. Ainsi, il est comme « nous ». Le philosophe est ici représenté comme un honnête homme, sage et utile. Il fait une étude équilibrée de la société pour l’aider à se développer au mieux.

- Le 7ème § décrit le philosophe comme plein d’humanité : celui-ci ne se retranchant par, et ne critiquant pas la société. Dumarsais semble ici banaliser le travail des penseurs de son époque.

- Le 8ème § montre l’amour que le théoricien a pour la société qu’il cherche à faire s’améliorer, sans pourtant lui nuire. Le terme jaloux met l’accent sur les défauts que ce dernier peut avoir. Il répète ensuite dans ce même § ces idées principales, en faisant intervenir la superstition qui est pour lui condamnable.

- On note aussi l’utilisation du présent de vérité générale, tandis que le subjonctif sert à mettre en avant des hypothèses tout comme les marques de concessions repérables par « mais »...

- On trouve aussi des articulateurs logiques et une forte ponctuation pour que le lecteur puisse suivre les pensées du théoricien. Tandis que la présence de figures de style, de répétitions (le terme philosophe étant de très nombreuse fois répété) et de parallélisme syntaxique, servent à la fois à banaliser le travail du penseur (on le cite plusieurs fois pour inhiber son aspect dangereux aux yeux de tous) et pour mettre l’accent sur les qualités de ces derniers.

Le philosophe est perçu par Dumarsais comme l’œil externe de la société. Externe ? Pas tout à fait car selon l’auteur, le penseur sait aussi bien prendre congé de la société pour mieux l’analyser que s’incérer à elle et ainsi la comprendre au mieux. Toutefois, ses idées sont toujours emprises d’objectivité et d’équilibre, et son là pour améliorer la société civile, et non  la dénigrer. Il se compose alors de qualités intellectuelles et sociales.

 

Ainsi nous avons vu la manière élogieuse qu’empreinte Dumarsais pour définir le philosophe. Mais pourquoi le compare t-il aux hommes ? C’est ce que nous verrons dans un second temps.

 

II. Une comparaison entre le philosophe et les hommes 

 

- « La raison [...] le philosophe » par cette 1ère phrase, Dumarsais distingue le philosophe des chrétiens et des superstitieux ; lui possédant un atout : la raison.

- « les autres hommes », avec « autres » mit pour marquer la différence.

- « ce sont des hommes [...], au lieu que le philosophe... » Nouvelle démarcation : le philosophe est le guide du genre humain.

- 5ème § : Comme l’homme, le philosophe vit en société et s’en imprègne pour mieux l’étudier.

- « Notre philosophe... » Le philosophe est vu ici comme un semblable qui à pour atout d’aider/guider le tout humain.

- « c’est un honnête homme qui veut plaire et se rendre utile » on note ici une banalisation du philosophe qui, selon Dumarsais, est un homme tout ce qu’il y a de plus humain, qui possède néanmoins de nombreuses qualités.

- « ils fuient les hommes, et les hommes les évitent » Dumarsais explique ici qu’une minorité de philosophes sont anachorètes, mais pas tous...il invite le lecteur à ne pas faire de généralité.

- « mais notre philosophe [...] est plein d’humanité » Une nouvelle fois, l’auteur insiste sur le fait que le philosophe est une personne normal, qui pense cependant différemment.

- « Homo sum, humani a me nihil alienum puto » même chose redite avec plus d’esprit.

- « le philosophe est jaloux » il a donc des défauts ; ainsi il est humain.

- « la société civile est [...] une divinité » il aime les hommes et cherche à parfaire la société.

- « il lui apporte bien plus qu’au reste des hommes » le philosophe a pour but de donner les « ressorts à  ne produire que des effets conformes à l’idée d’honnête homme ».

De ce fait le philosophe est comparé à l’Homme pour mieux montrer le fait qu’il en soit lui-même un qui toutefois, pense différemment et  a pour but de faire avancer la société.

 

Ainsi, nous avons vu que Dumarsais à une façon bien particulière de définir le philosophe : il fait un éloge du penseur en accentuant sur ses qualités avant de le mettre en relation avec les hommes et ce, pour mieux banaliser ses travaux.

Nous aurions pu voir la place de ce texte dans le mouvement des Lumières.

Nous remarquons qu’aujourd’hui, le philosophe est encore présent, comme par exemple Jean-Marie Gustave Le Clézio qui, comme ses homologues du XVIII siècle ou encore Bouddha, cherche le bonheur enfoui dans la mémoire humaine.

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 15:08



Poème sur le désastre de Lisbonne (1756)

 

Ô malheureux mortels ! ô terre déplorable !
Ô de tous les mortels assemblage effroyable!
D'inutiles douleurs éternel entretien !
Philosophes trompés qui criez: "Tout est bien",
Accourez, contemplez ces ruines affreuses,
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants l'un sur l'autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ;
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Dans l'horreur des tourments leurs lamentables jours!
Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,
Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,
Direz-vous: "C'est l'effet des éternelles lois
Qui d'un Dieu libre et bon nécessitent le choix"?
Direz-vous, en voyant cet amas de victimes :
"Dieu s'est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes"?
Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants
Sur le sein maternel écrasés et sanglants?
Lisbonne, qui n'est plus, eut-elle plus de vices
Que Londres, que Paris, plongés dans les délices ?
Lisbonne est abîmée, et l'on danse à Paris.
Tranquilles spectateurs, intrépides esprits,
De vos frères mourants contemplant les naufrages,
Vous recherchez en paix les causes des orages :
Mais du sort ennemi quand vous sentez les coups,
Devenus plus humains, vous pleurez comme nous.
Croyez-moi, quand la terre entrouvre ses abîmes
Ma plainte est innocente et mes cris légitimes. [...]

 

Voltaire



« Un jour, tout sera bien, voilà notre espérance

Tout est bien aujourd’hui, voilà l’illusion »

Poème sur le désastre de Lisbonne

 

Le 1er novembre 1755, un violent séisme ravage la ville de Lisbonne, faisant plus de 30000 victimes et provoquant un immense choc dans la sensibilité philosophique du XVIII°siècle. Cette catastrophe obsédera Voltaire qui, ayant une soixantaine d’année, manifestera son mépris envers les théories optimistes de Leibniz. Le penseur éclairé va alors se lancer dans un nouveau combat où il dénoncera le rôle de la providence tout en exprimant sa sensibilité. Ainsi naîtra Poème sur le désastre de Lisbonne.

Aussi pouvons-nous nous demander comment Voltaire s’y prend-il pour faire passer son message.

Nous verrons dans un premier temps la dimension pathétique, avant de porter notre attention sur l’aspect polémique de ce texte.

 

I. Un poème bouleversant

 

Nous pouvons tout d’abord noter la présence d’un important champ lexical de la tristesse avec :

- « Ô malheureux mortels ! ô terre déplorable ! » (1) « Malheureux » est un adjectif prenant racine dans l’assemblage des termes « mal » et « heur ». L’heur étant une chance favorable, le préfixe « mal » donne à « malheureux » une signification se rapportant à l’adjectif « malchanceux ». L’adjectif « déplorable » provient du nom « pleur » auquel on a rajouté « dé » (marquant l’éloignement) et « able » (touche négative) donnant ainsi une signification proche de la lamentation.

- « D’inutiles douleurs éternel entretien ! » (3) Le nom « douleur » provient du latin « dolor » signifiant « une émotion morale pénible ».

- « Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses » (6) Nouvelle utilisation de l’adjectif « malheureux » déjà aperçu dans la première ligne.

- « Cent mille infortunés que la terre dévore » (9) « Infortunés » provient du mot « fortune » signifiant « la chance ». Le terme veut ainsi signifier le manque de chance que l’on a déjà pu voir avec malheureux. De plus, on remarque une hyperbole avec « cent mille infortunés ». 60000 individus ont en effet trouvé la mort dans le désastre.

- « Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours » (12) « lamentable » vient du verbe « lamenter » ce qui fait aussi référence au pathétique de la scène.

 - « Vous pleurez comme nous » (28) nouvelle marque du pathétique. « Nous » implique l’auteur qui exprime ainsi sa sensibilité.

- « Ma plainte est innocente » (30) Le nom « Plainte » rappel le pathétique avec « ma » qui comme pour « nous », implique que Voltaire est engagé.

D’autre part, un champ lexical de la terreur se remarque aussi :

- « assemblage effroyable » (2) marquant l’effroi ressenti lors de la vue des conséquences du désastre.

- « ces ruines affreuses » (5) Même chose, on remarque un nouvelle fois l’effroi.

- « que la terre dévore » (9) personnification mettant en relief l’aspect terrible du cataclysme.

- « palpitants encore » (10) Ce vers montre la souffrance ressenti par les victimes qui va au-delà de la souffrance physique. Ceux-là sont en effet terrorisés.

- « Enterrés sous leurs toits » (11) On note ici que Voltaire avait une phobie de l’écrasement.

- « Dans l’horreur des tourments » (12) Les termes « horreurs » et « tourments » montrent une nouvelle fois la peur ressentie par les victimes.

- « Au spectacle effrayant » (14) Marque de l’effroi.

- « mes cris légitimes » mit en relation avec « aux cris demi-formés » montre que Voltaire pousse les cris que les victimes du sinistre n’ont pu poussé.

On note aussi que le désastre semble toucher tout les sens, aussi bien l’ouïe (avec « aux cris demi-formés de leurs voix expirantes »), la vue (« contemplez ces ruines affreuses »), le touché (« ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses », « quand vous sentez les coups »), l’odorat bien que ce sens n’est pas un grand rôle à jouer dans le désastre (« vous sentez les coups » bien que cette citation est sans doute mise pour les coups physiques, « leurs cendres fumantes » même s’il ne l’est pas explicitement indiqué, les corps brûlés doivent sentir une odeur affreuse ) et le goût (avec l’antithèse « plongés dans les délices » qui s’oppose avec « Lisbonne est abîmée »).

- On note aussi une opposition entre « entassés » et « dispersés » pour montrer l’étendue de la fatalité qui s’est abattu sur Lisbonne.

Voltaire nous décrit ainsi le désastre de Lisbonne avec tout l’aspect pathétique qu’il entraîne. La souffrance, le dégoût, l’effroi, la tristesse, toute les émotions les plus sombres sont envisagés pour donner au lecteur une idée de l’horreur vécue.

 

Ainsi nous avons pu voir que par ce texte, Voltaire décrit le désastre de manière pathétique, cherchant ainsi à responsabiliser les lecteurs. Nous analyserons ce but dans un second temps.

 

II. Une dimension polémique

 

- On remarque tout d’abord un parallélisme syntaxique, ou plutôt une imprécation avec la répétition de « ô » visant à mettre en condition le lecteur. Voltaire en appel ici aux victimes du désastre ; il compatie.

- « Philosophes trompés » Par ce vers, l’auteur dénonce les théories leibniziennes qui veut que tout soit bien dans le meilleur des mondes. « Trompés » semble davantage signifier « trompeur ».

- « Accourez, contemplez ces ruines affreuses » poursuite de l’accusation par un argument d’autorité basé sur un fait réel, scrupuleusement détaillé.

- « Direz-vous : [...] le choix ? », « Direz-vous : [...] leurs crimes ? » Construction de l’argumentation sous la forme thèse-antithèse avec une répétition de « direz-vous » ce qui implique que voltaire se mettent à la place des philosophes trompés pour mieux les contredire ensuite.

- « Quel crime, [...] sanglants ? » L’antithèse évoquée ne se fait pas attendre. L’auteur utilise la candeur des enfants pour montrer qu’ils ne peuvent être coupable de crimes (étant trop jeune), bien qu’ils soient victimes.

- On remarque que Voltaire utilise plusieurs interrogations rhétoriques : « Sur le sein maternel écrasés et sanglants ? », « Lisbonne [...] les délices ? ».

- On note aussi une métaphore filée avec « plongés », « abîmée », « naufrages » pour donner plus de poids à l’antithèse entre Paris et Lisbonne.

- Comme déjà cité, on note aussi l’implication de l’auteur avec « vous pleurez comme nous » et « ma plainte ».

- « Croyez-moi, quand la terre entrouvre ses abîmes [Ma plainte est innocente et mes cris légitimes. » L’auteur prend à parti les lecteurs pour leur montrer le but rechercher par ce texte, et leur prouver qu’il le fait de manière légitime.

- On remarque aussi l’utilisation de l’alexandrin pour donner plus de porté, de ton au texte et permettant ainsi une meilleur description/argumentation.

- L’utilisation de la poésie souligne le veut de frapper le lecteur par une dramatisation rythmée qui possède plus d’impact qu’un récit en prose.

- De plus, on remarque qu’une rime sur deux est frappante, ce qui donne davantage de poids dans l’argumentaire.

- Présence d’une ponctuation très soutenu pour donner toujours plus de rythme au texte, et donc un impact plus fort auprès de l’opinion du lecteur.

 

Ainsi, par un poème extrêmement bien construit, Voltaire peint le désastre de Lisbonne de manière macabre, pour mieux critiquer les philosophes comme Leibniz qui pensent que tout est bien dans le meilleur des mondes.

Nous aurions aussi pu étudier la souffrance des victimes...

D’autres auteurs ont utilisé la poésie pour dénoncer comme par exemple dans la satire politique Odes de André Chénier.

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 14:59



Texte étudié

La Vérité toute nue
        Sortit un jour de son puits ;
Ses attraits par le temps étaient un peu détruits,
        Jeune et vieux fuyaient sa vue :
La pauvre Vérité restait là morfondue,
Sans trouver un asile où pouvoir habiter.
        À ses yeux vient se présenter
        La Fable richement vêtue,
        Portant plumes et diamants,
        La plupart faux, mais très brillants.
        Eh ! Vous voilà ! bonjour, dit-elle :
Que faites-vous ici seule sur un chemin ?
La Vérité répond : vous le voyez, je gèle :
        Aux passants je demande en vain
        De me donner une retraite,
Je leur fais peur à tous. Hélas ! je le vois bien,
        Vieille femme n’obtient plus rien.
        Vous êtes pourtant ma cadette,
        Dit la Fable, et, sans vanité,
        Partout je suis fort bien reçue ;
        Mais aussi, dame Vérité,
        Pourquoi vous montrer toute nue ?
Cela n’est pas adroit. Tenez, arrangeons-nous ;
        Qu’un même intérêt nous rassemble :
Venez sous mon manteau, nous marcherons ensemble.
        Chez le sage, à cause de vous,
        Je ne serai point rebutée ;
        À cause de moi, chez les fous
        Vous ne serez point maltraitée.
Servant par ce moyen chacun selon son goût,
Grâce à votre raison et grâce à ma folie,
        Vous verrez, ma sœur, que partout
        Nous passerons de compagnie.

« Pour vivre heureux, vivons caché »

Fables

 

Ecrivain français du XVIII°siècle et petit neveu de Voltaire, Jean-Pierre Claris de Florian fut notamment connu et reconnu pour ses talents de fabulistes. Né en 1755 dans les Basses Cévennes au sein d’une famille de tradition militaire, il choisira cependant une carrière dans la littérature, soutenu et protégé par son oncle, le duc de Penthièvre. Il entrera à l’académie française en 1788 mais quelques années plus tard, en 1794, il mourra suite à la captivité qu’il dut subir lors de la Révolution.

En 1792, Jean-Pierre Claris de Florian publie la fable et la vérité, premier apologue satirique de son recueil : Fables. Par ce texte l’auteur met en scène deux femmes, la fable richement vêtue et la vérité vieille et nue, personnification de la vérité et du mensonge.

Aussi pouvons-nous nous demander comment l’auteur s’y prend-il pour transmettre sa morale.

Nous verrons tout d’abord la double personnification présente dans ce texte, avant de porter notre attention sur la dimension polémique de cette fable.

 

I. La double personnification

 

1.1 L’hideuse vérité...

 

  • Une personnification péjorative

 

On remarque qu’une première partie de la fable (du vers 1 à 6) est dédiée à la présentation péjorative de la vérité.

- La vérité est mise en scène dès le premier vers par « La vérité toute nue ». Il s’agit là d’une personnification qui se prolongera tout au long de la fable. De plus, le fait qu’elle soit nue donne l’idée de pauvreté. Celle-ci se remarque aussi par « ses attraits par le temps étaient un peu détruits » ce qui indique qu’en plus d’être nue et sans logis, la femme est vieille et laide. « Vielle femme n’obtient plus rien » conforte cette proposition. Elle a cependant été belle comme nous l’indique l’utilisation de l’expression « par le temps ». De plus, « pauvre » dans « la pauvre vérité » insiste sur la pauvreté de la vieille femme. « Sortit un jour de son puits. » Le puit étant un trou, il fait référence à l’abîme dans lequel la vérité due rester cloîtrer. Nouvelle idée de pauvreté accentuée par un sentiment de rejet. Celui-ci se remarque aussi par « jeunes et vieux fuyaient à sa vue ». Par ce 4ème vers, toute la société est représentée, et toute celle-ci fuie devant la vérité. Le rejet se ressent également dans « La pauvre vérité restait là morfondue, sans trouver un asile où pouvoir habiter » et « Aux passants je demande en vain de me donner une retraite, je leur fais peur à tous : hélas ! Je le vois bien, vieille femme n’obtient plus rien. ». Par ces deux citations nous pouvons noter le rejet et la tristesse ressentie par la vérité. Celle-ci demande un gîte mais fait fuir tous ceux à qui elle le sollicite. De plus, le narrateur externe et omniscient de ce texte trahit sa position avec l’adjectif « pauvre » : il est compatissent ce qui accentue un peu plus la pitié ressentie par le lecteur.  L’exclusion de la vieille femme par la société se note par la présence de termes caractérisant des lieux, mis en relation par d’autres représentant la solitude, la pauvreté ou la tristesse comme « toute nue » (mit pour la pauvreté) et « puits » (caractérisant son habitation précaire), « là » (adverbe qui indique qu’elle traîne), « morfondue » (tristesse) et « asile » (foyer décent), « chemin » (se rapproche avec « là ») et « seule » (solitude).

- On remarque quelques allitérations dissonantes dans la description de la vérité comme par exemple en « -té » où le son produit n’est pas mélodieux. Ce qui met un peu plus le lecteur dans la condition choisie par l’auteur.

 Ainsi, la vérité est personnifiée en une femme, pauvre, laide, nue, sans foyer, seule, triste et rejetée de la société.

 

1.2 ...qui s’oppose à la beauté de la fable

 

  • Une personnification méliorative

 

A partir du 7ème vers entre en scène une nouvelle femme : la fable.

- Comme pour la vérité, la fable est une personne comme nous l’indique des personnifications comme « richement vêtue », « dit-elle »...

- « A ses yeux vient se présenter » la fable est plus sociable que la vérité ; elle n’hésite pas à venir voir cette dernière. On remarque aussi que tout au long du texte, la fable maîtrise le discours. En effet l’interjection « Eh ! » dans « Eh ! Vous voilà ! Bonjour, dit-elle » montre qu’elle n’a aucune difficulté à aller voir les autres. Il semblerait qu’elle soit plus extravertie.

- De plus, « cela n’est pas adroit : tenez arrangeons-nous » montre que la fable semble avoir le cœur sur la main, elle semble être prête à aider la vérité...

- Cependant, elle pose une question « Pourquoi vous montrez-vous toute nue ? » sans en attendre la réponse. Elle tente en effet de séduire, voire de corrompre la vérité pour parvenir à ses fins. Elle veut être bien vue de tous comme nous l’indique la suite de sa réplique : « Chez le sage, à cause de vous, je ne serai point rebutée... »

- L’expression « sans vanité » montre que dans son discours avec la vérité, la fable pèse ses mots ce qui conforte l’idée de séduction par la parole.

- Celle-ci est populaire comme nous l’indique « partout je suis fort bien reçue ».

- Elle est riche bien que se ne soit parfois que des artifices « la fable, richement vêtue, portant plumes et diamants, la plupart faux, mais très brillants. »

- On note une comparaison avec « vous êtes pourtant ma cadette » qui insiste sur le fait que la fable soit plus belle que la vérité.

Ainsi, la fable est perçue comme une belle femme, aimable, extravertie, bien avec tous, modeste, riche...cependant, on note que dans son discours, elle cherche à aider dans son intérêt...la fable est une séductrice.

 

Ainsi nous avons vu que Florian oppose le mensonge et la vérité grâce à la personnification en deux femmes d’allures radicalement distinctes. Nous verrons dans un second temps l’aspect polémique de cette fable.

 

 

 

II. Une fable satirique

 


2.1 Le rôle des personnages par rapport à la morale

 

  • Le rôle de la vérité

 

- On note un rapprochement entre « La vérité toute nue » et l’expression, « se mettre à nu », qui  signifie « tout dévoiler s’en omettre de détail ».

- De plus dans « Sortit un jour de son puits. », « un jour » nous donne l’idée que, d’après la morale, la vérité n’est pas souvent dévoilée.

- « Jeunes et vieux fuyaient à sa vue », comme vu précédemment, la société rejette la vérité. Mais sa va plus loin, tous ont peur d’elle, ce qui implique du point de vue de la morale que « toute vérité n’est pas bonne à dire ou à entendre ».

- « je demande en vain une retraite » insiste sur le fait que peu de gens sont près à dire la vérité en sachant ce que cela impliquerait...sauf peut-être les sages comme nous l’indique « chez le sage, à cause de vous, je ne serai point rebutée ». Par ces deux vers, on note que selon Florian, la majorité de la société se compose de personnes malhonnêtes et que peu de monde est « sage », c’est-à-dire francs.

 

  • Le rôle de la fable

 

- A l’inverse de la vérité, la fable séduit. Elle est « partout fort bien reçue » ce qui implique, dans le contexte de la morale, que le mensonge paraît plus avantageux au plus grand nombre. « Partout » est mit pour la société.

- Comme vu précédemment, la fable utilise des artifices « la fable, richement vêtue, portant plumes et diamants, la plupart faux, mais très brillants. ». Il s’agit là pour Florian de montrer que le mensonge paraît être un atout séduisant, mais en réalité, il ne repose sur rien de concret.

- Par contre, « À cause de moi, chez les fous vous ne serez point maltraitée » indique que les nobles, puisque « fous » représente la noblesse, sont d’habituels menteurs.

 

Ainsi au-delà de la personnification, la fable et la vérité représentent  le mensonge et la sincérité dans la société. Florian montre que la majeure partie des gens ment et plus particulièrement la noblesse (qui possède le pouvoir). A l’inverse, peu de personnes sont franches. Les « sages » ou plutôt les philosophes le sont. L’auteur montre aussi que le mensonge est plus séduisant a employé bien que pour lui, elle n’est que de la poudre aux yeux et ne vaut pas la franchise. Il donne implicitement son avis sur la question.

 

2.2 L’utilisation de la Fable

 

La fable est souvent utilisée pour dénoncer les travers de la société comme l’a notamment fait La Fontaine. L’atout de ce genre étant la morale qui imprime un message dans la conscience du lecteur.

- La morale de ce texte est : « Chez le sage, à cause de vous, je ne serai point rebutée ; a cause de moi, chez les fous, vous ne serez point maltraitée ». Elle signifie que pour fonctionner mensonge et sincérité doivent se lier ensemble. Ainsi, pour l’auteur, le mensonge n’est pas répréhensible lorsqu’il est ponctué d’une part de vérité. Cependant lorsque la vérité est nue, elle fait fuir, tandis que quand le mensonge est seul, il séduit mais se fait réprouver tout de même par les philosophes et les sages. On note alors une approche didactique de la part de l’auteur qui herche à enseigner qu’une vérité ne peut être dite sans une part de mensonge.

- Une deuxième leçon est à tirer de cette fable. En effet, on note que la morale fait mention des « fous », ou plutôt des nobles. A l’époque où Florian écrit, la noblesse vient à peine d’être renversée ; c’est elle qui possédait le pouvoir. L’auteur accuse cette classe de constamment mentir ce qui implique une dimension beaucoup plus satirique que didactique. Curieusement, il se fera enfermé le 9 thermidor pour avoir soit disant, soutenu la noblesse qu’il condamne avant 1792...mais il sera relâché.

- On peut aussi découper ce texte en trois suivant les trois temps employé. Dans un premier temps, du vers 1 à 6, l’auteur utilise l’imparfait de description pour justement décrire la vérité. S’en suit le présent de vérité général (vers 7 à 25) qui, dans la satire, à pour vocation d’affirmer une vérité toujours d’actualité quelque soit l’époque. Puis on note le futur qui clôt le schéma énonciatif. 

- Les rimes sont en grande majorité pauvres (19/33 vers), on note cependant des rimes suffisantes (6/33) et riches (8/33)

- Les rimes sont tantôt féminines (16/33), tantôt masculines (17/33).

- On note l’utilisation de rimes embrassées («  La vérité [...] vue », « La pauvre [...] vêtue », « De me donner [...] ma cadette », « cela n’est pas adroit [...] à cause de vous ») et croisés (« Eh ! [...] je demande en vain », « Dit la fable [...] toute nue », « Je ne serai point rebutée [...] chacun selon son goût ».) On note un doublé « Portant plumes et diamants, la plupart faux, mais très brillants. » et un tercet « Grâce à votre raison [...] nous passerons de compagnie ».

- L’auteur utilise une métrique quelconque, différente pour chaque vers. On passe en effet de vers à 7 syllabes à d’autres en alexandrins ce qui créait un effet de surprise, de saisie chez le lecteur.

- Les sons des rimes employés pour présenter la vérité ou pour la faire parler son moins beau que ceux utilisés pour la fable. En effet on note pour cette première des « -té », « -truit », « traite » qui donne une impression oppressant...tandis que pour la fable, les sons sont beaucoup plus harmonieux « -emble », « -oût », « -i », « -u »...L’auteur forge un contraste sonore entre les personnages opposés.

Ainsi les caractéristiques de la fable permettent à Florian de jouer sur les sons et créer une ambiance autour des personnages qu’il fait s’opposer. Il joue sur l’impression de saisissement pour faire encrer son message de la conscience de ses lecteurs.

 

Ainsi, Jean-Pierre Claris de Florian nous propose une fable qui cherche à dénoncer la noblesse tout en expliquant l’atout de concilier mensonge et vérité. Pour cela, il utilise l’apologue qui, par les rimes et les jeux de tonalités, lui permet de faire passer un message saisissant.

D’autres ont utilisé la fable comme notamment La Fontaine et le Lion et le Cerf.

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